Olivier Py a décidé d’inviter des spectacles jeune public au Festival d’Avignon et le dernier de sa programmation aurait suffi à justifier ce choix : adaptation par Roland Schimmelpfennig d’un conte d’Andersen, Le Soldat et la Ballerine propose une belle épopée modernisée de deux jouets amoureux dans une mise en scène parfaitement aboutie.
On connaît Roland Schimmelpfennig, l’auteur allemand, pour ses textes incisifs et politiques, et on s’étonne de le voir s’aventurer sur le terrain du jeune public. Robert Sandoz, metteur en scène de Neuchâtel, directeur du Théâtre du Jura, confie, lui, qu’il pensait le Festival d’Avignon hors de sa portée, et, finalement, c’est le public avignonnais qui s’émerveille de la qualité de son Soldat et la Ballerine simple, inspiré, lumineux. De surprise en surprise, ce récit venu d’un conte d’Andersen, présenté à La Chapelle des Pénitents Blancs, conclut le Festival sur une note très réjouissante.
Au départ, donc, un conte d’Andersen au titre éloquent, L‘Inébranlable Soldat de plomb, qui laisse la part belle au héros et campe l’héroïne, comme trop souvent, dans l’attente. Schimmelpfennig décide donc que le soldat et la ballerine traverseront tous les deux, chacun de leur côté, des aventures pour, à la fin, se retrouver. Une entreprise de déconstruction des stéréotypes que l’auteur allemand mène avec intelligence : tandis que le soldat de plomb plonge dans les entrailles de la ville, la ballerine en papier s’envole, elle, dans les airs. Tombés d’une fenêtre, en mode Toy Story, tandis qu’après minuit les jouets se remettent à vivre, ils traversent chacun leur épopée, portés par leur instinct de survie et l’espoir de se rejoindre. Comme dans tout conte tout se terminera bien, mais pas, pour autant, par un mariage.
Le spectacle commence par la fin tandis que le soldat et la ballerine sont sur le point de périr par le feu. Lui, grand soldat à la barbe rousse et au teint luisant, semble sorti, à la fois, de la guerre 14-18, d’une vitrine de porcelaine et revenu de l’au-delà. Il contraste avec elle, lumineuse, tout en blanc et en légèreté. Une fois séparés, ils mènent leurs aventures chacun de leur côté : lui à travers les égouts, la police des frontières des rats et les intestins d’un Léviathan ; elle bravant notamment un dragon, des pies et une tempête de grêle. Jamais le spectacle ne vire pourtant à l’épopée. Ce sont des héros simples, humains, courageux, mais fragiles, interprétés avec une grande sensibilité par Adrien Gygax et Lucie Rausis.
Initiée devant un rideau blanc qui ne laisse de place qu’à l’avant-scène, l’histoire se poursuit dans une scénographie d’un noir inquiétant, à travers des méandres de tuyaux et d’échelles et autour d’un grand rectangle d’eau sombre. Commencée dans un langage un peu difficile pour des enfants, elle se déroule ensuite avec une grande limpidité et une fantaisie scénique d’autant plus séduisante qu’elle n’est jamais tape-à-l’œil. Une machine à ronds de fumée, des masques géants d’animaux, des néons qui rigolent ou un diable en boîte renouvellent l’attirail qui fait rire et s’émerveiller. Le tout à travers une actualisation qui ne dissocie plus féminin et masculin et véhicule quelques allusions à l’actualité, comme les questions migratoires. Le Soldat et la Ballerine s’impose alors comme un spectacle parfaitement maîtrisé, drôle et beau à la fois (une mention spéciale aux superbes costumes et maquillages) qui conjugue les plaisirs enfantins et adultes, et révèle le talent de metteur en scène de Robert Sandoz.
Eric Demey – www.sceneweb.fr
Le Soldat et La Ballerine
Texte Roland Schimmelpfennig d’après L’Inébranlable Soldat de plomb de Andersen
Traduction et mise en scène Robert Sandoz
Avec Adrien Gygax, Lucie Rausis
Musique et environnement sonore Olivier Gabus
Scénographie et accessoires Kristelle Paré Lumière Jérôme Bueche
Son et régie générale Karim Dubugnon
Costumes et accessoires Anne-Laure Futin avec l’aide de Verena Dubach et Judith Dubois
Maquillage Emmanuelle Pellegrin
Assistanat à la mise en scène Fanny KrähenbühlProduction L’outil de la ressemblance
Coproduction Théâtre du Jura (Delémont), Théâtre Am Stram Gram (Genève)
Avec le soutien de la Loterie Romande, Le Canton de Neuchâtel, La CORODIS, Pro Helvetia: Fondation suisse pour la culture, la Fondation culturelle de la BCN, la Fondation Neuchâteloise Assurance du 125ème anniversaire, la Fondation Casino Neuchâtel, la Fondation Sandoz et la Fondation Ernst GöhnerLe Soldat et La Ballerine de Roland Schimmelpfennig, traduction Robert Sandoz, est publié chez l’Arche Éditeur.
Durée : 1h
Festival d’Avignon 2022
Chapelle des Pénitents Blancs
du 22 au 25 juillet, à 11h et 15hThéâtre Am Stram Gram, Genève
du 4 au 6 novembreCentre Culturel de Porrentruy (Suisse)
le 3 décembreLe Pommier – Centre Culturel Neuchâtelois
le 29 janvier 2023
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !