L’Envol de Nacera Belaza est une pièce fascinante où apparaissent des fantômes qui tournent à l’infini, pour aspirer dans un vortex obscur enveloppant.
Comme souvent dans les pièces de Nacera Belaza, l’obscurité domine. Au tout début du spectacle, on est plongé dans le noir total. On devine seulement la présence des corps, des mouvements ténus. Puis, on aperçoit subrepticement un corps, deux, puis quatre, éclairés par à-coups, ils se fondent dans l’obscurité, qui reprend le dessus encore et encore. Ce sont des apparitions fantomatiques, des humains sans visages, enveloppés dans la noirceur brumeuse. Les spectres tournent sur eux-mêmes, comme lancés dans un tourbillon infini. Ils saisissent, intriguent, effrayent presque. Depuis plus d’une vingtaine d’années, Nacera Belaza poursuit une même recherche : des gestes répétitifs qui happent dans un vortex, un dénuement austère, où s’effacent lyrisme, émotions pour tenter de capter l’essence de l’être, quête quasi métaphysique. L’Envol en est une nouvelle déclinaison, loin d’être redondante.
Giration magnétique
Virtuose de la lumière, la chorégraphe s’en sert pour structurer l’espace, faire surgir des tableaux. Ce sont tantôt des puits de lumière, vers lesquels sont dirigés les visages des interprètes, tantôt elle remplit avec douceur le plateau, lui donnant l’aspect d’une steppe glacée. Ce jeu lumineux subtil fait jaillir l’intensité de la danse – renforcée par une ambiance sonores abstraite grésillante, enveloppante – de plus en plus physique plus la pièce se dévoile. Les corps, comme mus par une force giratoire irrépressible, semblent entraînés dans une chute violente (ou une ascension ?), semblent se heurter à une falaise rocailleuse ou pris dans un rouleau sur le rivage, brinquebalés sur les galets. Elle nous entraîne dans ce magma noir, fascinant, qui nous élève vers un espace aussi indéfini qu’infini, vertigineux, qui évoque immensité cosmique, profondeurs abyssales, confort utérin. Les images qu’elle invoque s’impriment durablement sur la rétine. Elles hypnotisent. Mais ce qui dure encore plus, c’est le frisson qu’elle laisse sur la peau, un trouble indescriptible.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
L’envol
Chorégraphie, conception son et lumières, Nacera Belaza
Avec Paulin Banc, Nacera Belaza, Aurélie Berland, Mohammed Ech Charquaouy
Régie générale, Christophe RenaudProduction Compagnie Nacera Belaza
Coproduction Festival Montpellier Danse ; MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny) ; deSingel – International arts campus (Anvers) ; Points communs, Nouvelle scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d’Oise ; Theater Freiburg ; Centre Chorégraphique National – Ballet de Lorraine (Nancy) dans le cadre de l’accueil studio ; CCN2 – Centre chorégraphique national de Grenoble ; Centre National de Danse Contemporaine – Angers dans le cadre de l’accueil studio ; Festival d’Automne à Paris
Avec le soutien de King’s Fountain ; du Fonds Transfabrik – Fonds franco-allemand pour le spectacle vivant ; de la Villa Albertine ; de la Région Île-de-France dans le cadre du dispositif d’aide à la création ; du ministère de la Culture, Drac Île-de-France au titre de compagnie conventionnée
Coréalisation MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (Bobigny) ; Festival d’Automne à ParisDurée : 1h
Festival d’automne 2023
Chaillot – Théâtre national de la Danse
18 et 19 Novembre 2023
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