L’autrice et metteure en scène Sara Llorca signe un spectacle poétique, musical et dansé avec deux bassistes exceptionnels et le chorégraphe de RDC DeLaVallet Bidiefono.
À l’origine de ce projet, il y a un mystère : le duende. Issu de la culture populaire espagnole, le terme est intraduisible en Français ; essayons tout de même de le cerner. Il s’agirait, selon les spécialistes, de l’esprit qui se dégage d’un chanteur ou d’un danseur lorsque celui-ci frise la perfection. Après sa dernière pièce, La Terre se révolte, sur l’histoire d’amour entre une étudiante française et un poète syrien, l’autrice et metteure en scène Sara Llorca s’est mise en quête de ce mystère. Elle l’a cherché dans l’œuvre du dramaturge Federico García Lorca, qui lui a consacré un texte, l’a traqué au cours d’un voyage en Espagne et a conçu un spectacle, musical et, pour tenter de le saisir.
Tout commence avec le groove. Sur deux plateformes légèrement surélevées, deux bassistes donnent le la. Le son est percussif, syncopé, entêtant. Il est rare d’entendre cet instrument joué sur le devant de la scène, et franchement exceptionnel de l’écouter en duo. La basse électrique est slappée, les aigus et les notes mortes forment un canevas rythmique endiablé, les graves nous enveloppent avec leur rondeur charnelle. Grâce à des pédales d’effets, les musiciens s’enregistrent en direct, additionnent les boucles de son, ajoutent distorsion et réverbération. Jamais ils ne se marchent sur les pieds ; le niveau de technicité est dément. À gauche, Armel Malonga a joué avec Ali Farka Touré, Demon Albarn et Jacob Desvarieu. A droite, Benoît Lugué a épaulé Maatthis Pascaud, Zimpala, Pierrick Pédron… Impressionnants CV. À deux, ils créent une partition inédite, entre la rumba congolaise, le jazz et le funk.
Puis, Sara Llorca et DeLaVallet Bidiefono, danseur et chorégraphe, entrent en scène. Ils incarnent un couple imaginaire. Sara Llorca est vêtue d’une robe à large maille blanche, elle ressemble à une héroïne grecque. DeLaVallet Bidiefono, que l’on avait découvert au festival d’Avignon en 2013 (Au-delà), arbore un long manteau de cuir, il évoque l’acteur Wesley Snipes dans le film de SF Demolition Man. Ces protagonistes ont fière allure. Ensemble, ils vont raconter leur histoire d’amour, des prémisses enivrantes jusqu’au délitement final. Il sera question du quotidien, de l’extase sexuelle et de violentes disputes, ils relateront leurs différences culturelles, l’expatriation de l’un et les malentendus de la vie conjugale – les tropismes de la créatrice depuis La Terre se révolte -. Le texte, fragmenté et elliptique, est moins convaincant que la mise en scène – on aurait préféré davantage de singularité, moins de clichés -. Mais l’alchimie a lieu. Traversés par le désir, ces corps sont au diapason. Ils dansent la joie, la colère et le désamour.
Contrairement à ce que l’on pouvait imaginer, c’est n’est pas l’Espagne qui est mise à l’honneur dans cette pièce, mais bien le Congo. DeLaVallet Bidiefono est originaire de Pointe-Noire, une ville d’un million d’habitants située sur la côte Atlantique de la RDC. Il appartient avec l’artiste Dieudonné Niangouna au renouveau du spectacle vivant dans son pays, joue ses créations sur les planches de toute l’Europe et jouit d’une reconnaissance internationale. Magnétique et envoûtant, il impose son style hyper physique nourri par la violence et la grâce. C’est avec lui que Sara Llorca trouve le duende, au travers de la fusion entre les corps électriques, de l’harmonie entre la musique et la chorégraphie et par l’équilibre délicat du couple. On aurait adoré voir ce spectacle dans une salle de concert. Cette transe est si contagieuse qu’il est difficile de ne pas se lever et danser.
Igor Hansen-Love – www.sceneweb.fr
Yala
Texte et mise en scene Sara Llorca
Chorégraphie DeLavallet Bidiefono
Musique Benoît Lugué et Armel Malonga
Avec DeLavallet Bidiefono, Sara Llorca Benoît Lugué et Armel Malonga
Dramaturgie Tony Abdo-Hanna
Assistanat à la mise en scène Anna Perrin Thermes
Scénographie et costumes François Gauthier-Lafaye
Lumière Stéphane « Babi » Aubert
Son Quentin Fleury – SoundTrip
Régie générale et plateau François Gauthier-Lafaye
Administration et Production Emeline Hervé
Durée : 1h15
Production Compagnie du Hasard Objectif
Coproduction MC93, Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis, La Halle aux grains, scène nationale de Blois, Théâtre de l’Arsenal – Val de Reuil
Avec le soutien du Tangram, scène nationale Evreux-Louvriers, du CDN Normandie-Rouen, de la Spedidam et de la SACD
27 et 28 janvier 2022 CREATION à La Halle aux Grains, scène nationale de Blois
2-13 février 2022 MC93, scène nationale de Seine-Saint-Denis
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