Depuis le début de la semaine, la programmation du Théâtre national de la Colline fait débat. Après la déclaration de Roselyne Bachelot disant « regretter » que Betrand Cantat, condamné à plusieurs années de prison pour le meurtre de sa compagne en 2003, ait créé la musique de la prochaine création de Wajdi Mouawad, puis l’annonce de la programmation du spectacle Un qui veut traverser dans la mise en scène de Jean-Pierre Baro, créent l’émoi au sein du mouvement #meetootheatre qui s’est réuni ce week-end pour une première manifestation. Après la tribune de Wajdi Mouawad exposant ses arguments, le metteur en scène Jean-Pierre Baro a souhaité donné son sentiment.
L’avocate de la plaignante, Anne Lassalle à la lecture de sa position estime de son côté que Jean-Pierre Baro « fait un récit ne correspondant pas aux faits qu’elle a dénoncés, tant en ce qui concerne leur matérialité et leur chronologie qu’en ce qui concerne leur intentionnalité, à savoir des faits de viol, ma cliente entend voir rappeler que contrairement à ce qui est écrit et prétendu, le Procureur de la République de Paris n’a pas « innocenté » Monsieur Baro mais a classé l’affaire faute d’éléments pour engager l’action publique. Il importe de rappeler qu’un classement sans suite ne signifie pas une relaxe ou un acquittement et que l’enquête peut tout à fait être réouverte à l’aune de nouveaux éléments. Si Monsieur Baro est présumé innocent et a le droit de se dire innocent, il ne peut en revanche pas affirmer qu’il a été innocenté par la justice ».
L’association de mon nom avec le mouvement #metoo ou à des personnes reconnues coupables de violences envers les femmes est grave et relève d’une injustice intolérable : je suis innocent.
Par cet amalgame, je suis transformé en coupable. Je prends donc la parole pour rétablir les faits car je refuse que mon nom soit instrumentalisé. Mon nom n’est pas à votre disposition.
Vous ne pouvez pas en faire ce que vous voulez.
Un combat aussi essentiel que celui de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les violences et toute forme de harcèlement ne saurait se passer d’une exigence de véracité des faits. Étant aujourd’hui livré à des amalgames accusateurs, je me vois ici dans l’obligation d’exposer mon intimité et les faits tels qu’ils se sont déroulés.
En septembre 2018, deux mois après ma nomination à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry, une femme avec qui je collaborais depuis huit ans a déposé plainte contre moi pour une relation que nous avions eue, un soir, en 2011.
Après un spectacle où nous étions allés ensemble, je l’ai raccompagnée chez elle en scooter à son domicile où elle m’avait invité à venir boire un verre du vin que nous avions acheté ensemble sur le chemin. Dans le salon de son appartement, nous avons eu une conversation autour de nos vies intimes. Puis nous avons eu une relation sexuelle dans sa chambre. Nous sommes ensuite retournés dans le salon, où nous avons continué à échanger avant de se quitter au petit matin.
Je n’ai ce soir-là exercé aucune forme de violence ni de pression. Cette relation je l’ai vécue comme totalement consentie. Rien, ni ce soir-là ni par la suite, ne m’a permis d’imaginer un instant qu’il put en être autrement. Ce n’est que sept ans plus tard que j’ai appris qu’elle considérait ne pas avoir désiré cette relation.
Au moment des faits, j’avais 33 ans et j’étais un metteur en scène totalement inconnu, à peine sorti de l’école. Elle avait elle-même 26 ans et travaillait dans un bureau de production comme administratrice. Nous étions deux jeunes gens à nos débuts professionnels. Il n’y avait aucune relation hiérarchique entre nous, je n’étais pas son supérieur, n’avais aucun ascendant sur elle, ni par ma position, ni par ma notoriété et, pendant 10 ans, nous avons grandi ensemble professionnellement.
Elle a travaillé au montage de toutes les productions de mes spectacles. Elle m’a accompagné dans le choix et la pensée de chacun de mes projets, juste qu’à candidater à mes côtés à la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry avant de se raviser. Elle était entre temps devenue la directrice du bureau de production qui s’occupait de ma compagnie.
Je l’ai, tout au long de notre collaboration, toujours considérée et appréciée car nous étions dans un dialogue constant auquel elle prenait part avec détermination. L’annonce du dépôt de sa plainte m’a stupéfait d’autant que nous avions continué à travailler en parfaite harmonie.
Suite à cette plainte, j’ai été placé en garde à vue par les services de police. Une enquête a été menée, une confrontation organisée, des témoins entendus et j’ai fait l’objet d’une expertise psychiatrique. A l’issue, le procureur de la République a décidé de m’innocenter de l’accusation qui avait été portée contre moi. Ce n’était pas un classement d’opportunité. Pas un classement politique. Pas un classement pour prescription. Non, le dossier a été classé sans suite car les faits dénoncés n’étaient pas constitués.
En 2019, alors que l’affaire était déjà classée sans suite, une rumeur et des propos rapportés dans le blog d’un critique de théâtre a engendré un déchaînement médiatique contre moi dans une absence totale de vérification des faits et sans un minimum de travail journalistique.
Cet acharnement médiatique a abouti à ma démission de la direction du Théâtre des Quartiers d’Ivry. Il m’était en effet devenu impossible d’assurer ma fonction dans ces conditions.
Selon vous, que ma présence dans la saison du Théâtre national de la Colline révolte, combien d’années devrais-je passer sans exercer mon métier de metteur en scène pour purger une peine à laquelle je n’ai jamais été condamné ?
A combien d’années d’exil loin des plateaux estimez-vous ma peine ? Sur combien de partenaires souhaitez-vous encore exercer votre chantage pour me faire disparaître ?
Cessez d’exercer des pressions sur les femmes et les hommes qui croient en mon travail artistique et le partagent, au prétexte que ce serait nier la nécessité du combat pour l’égalité homme-femme et contre toutes formes de harcèlement que d’accueillir Jean-Pierre Baro.
Quiconque aurait quelque chose à me dire, à me reprocher, qu’il le fasse aujourd’hui, devant la justice et j’y répondrai. Ceci fait, je veux ensuite pouvoir travailler et présenter mes créations au public.
Jean-Pierre Baro
Le 21 octobre 2021
Il faudrait que certains comprennent que la justice se rend devant les tribunaux et pas sur les réseaux sociaux.
La plaignante a déjà porté plainte devant la justice.
La plainte a été classée sans suite, comme dans 97% des cas dans les affaires de viol.
Cela signifie que le Procureur de la République a classé l’affaire sans qu’elle soit instruite pénalement. La plaignante n’a donc pas eu accès aux tribunaux. S’il y a présomption d’innocence, il n’y a pas, comme dans tous les classements sans suite, innocentement par un juge.
Ce qui est vraiment injuste et peut causer des dégâts considérables, c’est qu’il n’y a aucune conséquence néfaste dans la cas d’une fausse déclaration de viol. Une femme accuse un homme de viol, des années après, sans pouvoir apporter la moindre preuve du prétendu viol. La justice, évidement prononce un non lieu mais la plaignante n’est pas inquiétée le moins du monde alors que l’homme accusé de viol voit sa vie détruite ou pour le moins salie. Cataclysme familial et professionnel, humiliation extrême due à l’injustice. Cela peut conduire à la mort. Comment se défendre de la calomnie? C’est un problème qui remonte à des temps très lointains et on ne pourra jamais se défendre de la calomnie tant que l’impunité sera assurée à celui ou celle qui la pratique.
Qu’est ce qui est injuste, exactement ?
En matière de viol, 97% des femmes qui se déclarent victimes de viol ne verront pas la justice traiter le crime qu’elles ont subi.
Soit qu’elles ne portent pas plainte, soit qu’aucune suite judiciaire n’est donnée à la plainte qu’elles déposent auprès de la police.
Dans l’immense majorité des cas en matière de violences sexuelles, la justice ne rend pas justice. Seuls 2 % des violeurs sont condamnés.
Ces crimes restent non seulement impunis mais surtout hors du champ judiciaire, non régulés par les instances de la société.
En France, 94 000 femmes majeures se déclarent victimes de viols et/ou de tentatives de viol chaque année ? 94 000.
Donc.
Qu’est ce qui est injuste, exactement.
ce qui est injuste c’est d’être accusé faussement d’un viol. Et que l’accusateur ou l’accusatrice ne soit pas puni. Justifier cela en argumentant qu’une grande majorité des violeurs avérés ne sont pas punis est soit stupide soit inique.
Je serai prête à entendre ce message quand il nommera le contexte patriarcal dans lequel nous évoluons toutes et tous, et qui se ressent fort dans le milieu théâtral (cf : http://hf-idf.org/wp-content/uploads/2019/02/Doyon_HF_trajectoires_femmes_theatre.pdf ).
Depuis 2017 et la vague #metoo, on commence à piger que la racine du problème n’est pas liée aux situations individuelles mais à notre société qui permet à tellement de violences de se faire et d’être acceptées. Il est temps d’entamer cette remise en question, il y a aujourd’hui assez d’outils accessibles pour s’y lancer. S’innocenter tout bonnement, sans questionner ses façons d’être en relation avec d’autres – en l’occurence ici des femmes, je trouve ça inaudible.
Vous dites exposer votre intimité, alors allez-y : qu’est ce que le consentement pour vous ? Vous questionnez-vous sur le rapport de pouvoir et de domination que peut exercer votre profession en lien avec votre genre ? Avez-vous évolué dans votre rapport à votre masculinité ces dernières années ? Avez-vous compris des schémas toxiques à l’oeuvre dans les rapports hommes/femmes, professionnellement et personnellement ?
S’innocenter tout bonnement, aujourd’hui, je trouve ça inaudible.
J’aimerais questionner le travail artistique de cet homme dont je ne connais pas les créations. Ce texte traduit une compréhension si pauvre de la réalité qu’on se demande comment il peut bien articuler des choses pertinentes sur le monde. Mais laissons donc la place à ceux et à celles qui ont un regard nouveau, loin des narrations essoufflées et aveugles.
L’emphase narcissique du censeur sur fond réthorique du « nouveau » monde contre l' »ancien »… La bonne blague quand il ne s’agit, et c’est finalement avoué que de « prendre la place ».
On se prévaut d’une « supériorité moral » quand la réalité est une « doxa » dont le manichéisme et la vacuité efface des siècles de lente élaboration humaine, en matière de justice notamment.
Mais ça prend de haut, ça connait la réalité indiscutable, ça présume et ça prescrit… Le pire c’est que ça se croit de gauche… (et quant aux productions des nouveaux éveillés permettez nous de rire: marteler n’est pas démontrer d’une part et de l’autre, l’art n’a pas pour fin la propagande sauf chez les totalitaires).