le deuxième opus après Vessel du chorégraphe Damien Jalet et du plasticien Kohei Nawa place les corps dans un univers post-apocalyptique couvert de cendre pailletée et empreint d’une fascinante beauté.
Vessel prenait place dans un bel espace insulaire où trônait sur une mer calme un monticule aux contours proches de ceux d’un gros coquillage gorgé d’un liquide blanc laiteux. Planet se présente comme sa suite et son contrepoint en faisant cette fois pénétrer dans le noir abyssal d’un lieu aride et inhospitalier. Huit danseurs et danseuses dont les visages et les corps sont d’abord indistincts se meuvent et se confondent dans cet espace qui se laisse découvrir comme un territoire ravagé ou inexploré. Son sol recouvert d’une épaisse couche de sable sombre est troué de petits puits profonds où frémit un bouillon blanchâtre dans lequel s’enfoncent chacun des interprètes.
Pris au piège de la matière et condamnés à l’immobilité de tout le bas du corps, ils se présentent comme confrontés à un cyclone rasant, à une tornade qui souffle et les fait tanguer en avant et en arrière. Les silhouettes dans la dérive, se penchent, se tordent, sans se briser. Les torses et les bras se plient et se déplient à l’occasion de vastes mouvements ondoyants. Les corps magnifiquement solides et déliés défient la gravité avec une sorte d’extrême résistance physique et mentale jusqu’à pouvoir s’échapper. Enfin libérés des crevasses, les danseurs retrouvent leur ancrage sur la terre ferme et se livrent à une marche désorientée qui traduit une éternelle errance. En imitant au sol les bruits de la houle maritime, ils invitent à reconsidérer l’espace non comme une lande hostile mais comme une possible terre d’accueil.
Sous l’influence de différents rituels japonais et à la croisée des arts et des cultures, la danse atmosphérique de Damien Jalet, est toujours bel et bien poreuse des forces de vie comme de destruction qui animent l’univers. Elle trouve un superbe écrin, aussi concret qu’abstrait, dans la scénographie de l’artiste Kohei Nawa. Ensemble, ils signent une seconde pièce qui se montre à l’écoute de l’environnement, des changements et du dérèglement des éléments. Elle tend ainsi à interroger plastiquement et émotionnellement la place qu’occupe l’homme dans le monde. La musique de Tim Hecker qui mélange instruments ancestraux et sonorités électroniques trouble et fait trembler les sens.
Remarquablement interprété par une troupe de danseurs venus de tous horizons mais unis par une indéniable force tellurique, Planet [wanderer] prend l’aspect d’un vibrant vertige.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Planet [wanderer]
CHORÉGRAPHIE Damien Jalet
SCÉNOGRAPHIE Kohei Nawa
LUMIERES Yukiko Yoshimoto
ASSISTANTE À LA CHORÉGRAPHIE Alexandra Hoàng Gilbert
MUSIQUE Tim HeckerAVEC Shawn Ahern, Kim Amankwaa, Aimilios Arapoglou, Francesco Ferrari, Vinson Fraley, Christina Guieb, Astrid Sweeney, Ema Yuasa
PRODUCTION CHAILLOT – THÉÂTRE NATIONAL DE LA DANSE
COPRODUCTION THÉÂTRE NATIONAL DE BRETAGNE / FESTSPIELHAUS ST PÖLTEN / TOKYO METROPOLITAN THEATRE / ROHM THEATRE KYOTO / OPÉRA DE ROUEN NORMANDIE/ SANDWICH INC.NOMINÉ POUR LE PRIX FEDORA – VAN CLEEF & ARPELS POUR LE BALLET 2020 COFINANCÉ PAR LE PROGRAMME EUROPE CRÉATIVE DE L’UNION EUROPÉENNE
TNB Rennes
du 21 au 23 novembre 2024
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