L’intérêt de ce Philoctète tourne bien évidemment autour de la personnalité de Laurent Terzieff. Lors de la création cet automne au Théâtre de l’Odéon, le public attendait avec impatience le retour sur une grande scène de cet acteur mythique du théâtre français, plutôt habitué ces derniers temps avec sa compagnie de se produire dans les théâtres de la rive gauche. Merci donc à Christian Schiaretti (et à Jean-Pierre Siméon) de l’avoir convaincu de camper ce Philoctète – cet homme perdu sur son île déserte.
Tout le spectacle se joue devant le mur de scène. La salle est éclairée. Et c’est dans cet espace limité que les comédiens font entendre l’histoire de Philoctète – réécrite par Jean-Pierre Siméon. Pas d’effet de mise en scène, point de mise en espace du texte, c’est le choix de Christian Schiaretti. Il faut donc s’accrocher, jusqu’à l’arrivée de Laurent Terzieff qui a lui seul éclabousse le spectacle, avec sa silhouette arquée si particulière, son phrasé enchanteur. Il hypnotise le spectacle et le sauve de l’ennui. Et même si l’on décroche du texte, il parvient à nous maintenir à flots, à nous bercer par la poésie de son jeu si éblouissant.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Pour le plaisir, extrait de l’interview du dossier de presse de l’Odéon. Laurent Terzieff s’exprime sur la poésie du théâtre. Le théâtre, pour moi, est dans son essence poétique. Un théâtre qui ne le serait pas serait immédiatement suspect à mes yeux. Par poésie je n’entends pas seulement lyrisme ou expression poétique, j’entends aussi situation poétique. Il peut y avoir du poétique dans Feydeau ou dans Ionesco, par exemple. Le théâtre est un moyen d’appréhender le monde avec cette distance lucide que nous donne la métaphore, cette fameuse métaphore dont René Char disait qu’elle était « la blessure la plus rapprochée du soleil ». Lucidité, car le théâtre n’est pas le monde de l’illusion où tout est beau même la souffrance ; c’est pour moi le reflet lucide et quelquefois brutal de la réalité. Une réalité qui peut s’exprimer aussi bien dans une pièce comme Le Songe de Strindberg ou dans n’importe quelle pièce de Brecht, et si ces deux auteurs appartiennent à des galaxies différentes, ils ont en commun la poésie. Je suis de plus en plus persuadé que le théâtre livre des choses sur l’Homme qui échappe à la philosophie, la psychologie, la socio-psychologie, la linguistique, toutes formes de pensée scientiste. Non que je méprise ces disciplines mais c’est ainsi, le théâtre a sa propre force de révélation. Pourquoi ? Parce que je pense, avec Lichtenberg, que tout ce qui nous apparaît dans le monde n’est qu’une infime partie de la réalité, le reste nous est caché ou encore caché suivant si l’on croit ou ne croit pas à l’au-delà, et que précisément la poésie fait parole de ce qui, avant elle, ne l’était pas et qui par elle advient. Elle constitue une ouverture vers cette face invisible du monde qui nous relie à tout et à tous, qui réconcilie toutes choses et les contraires jusqu’à nous faire entendre le silence des mots, par exemple. Elle abolit cette coupure originelle entre l’objet perçu et la conscience qui perçoit. Je pense que la méditation de la tragédie grecque aurait permis aux Français, par exemple, d’entrevoir leur destin après Munich, ou que la lecture de Shakespeare aurait suffit à révéler Staline, ou que la lecture de Broch ou de Bernanos aurait pu nous expliquer Hitler beaucoup mieux que les historiens.
de Jean-Pierre Siméon, variation à partir de Sophocle
mise en scène Christian Schiaretti
un spectacle du TNP-Villeurbanne
scénographie
Fanny Gamet
costumes
Thibaut Welchlin
lumières
Julia Grand
coiffures, maquillage
Claire Cohen
conseiller littéraire
Gérald Garutti
avec
Laurent Terzieff Philoctète
Johan Leysen Ulysse
David Mambouch* Néoptolème
Christian Ruché Le Marchand
Julien Tiphaine* Héraclès
et le choeur
Olivier Borle*
Damien Gouy*
Clément Morinière*
Julien Tiphaine*
*comédiens de la troupe du TNP
coproduction Théâtre National Populaire – Villeurbanne / Compagnie Laurent Terzieff
avec la participation artistique de l’ENSATT et du Jeune Théâtre National et l’aide de La Région Rhône-Alpes pour l’insertion des jeunes professionnels avec le soutien du Département du Rhône.
La tournée
Marseille Théâtre de la Criée du 23 au 29 janvier
Chambéry Espace Malraux du 3 au 5 février
Valence Comédie de Valence du 10 au 12 février
Genève Théâtre de Carouge du 18 février au 7 mars
La Rochelle La Coursive du 12 au 14 mars
Le spectacle est malheureusement annulé à la Criée de Marseille pour cause de grande salle pleine d’amiante…