Avec la sensibilité et la délicatesse qu’on lui connaît, la metteuse en scène tisse, au Théâtre de la Colline, un récit de vie autour de la gestation pour autrui (GPA), où le don de soi, le soucis de l’autre et le désir de parentalité emportent tout sur leur passage.
Il est toujours appréciable, voire touchant, qu’un artiste puisse s’épanouir et grandir en même temps que son ambition. Membre de la jeune garde de metteuses en scène qui, ces dernières années, n’en finissent plus de monter, Pauline Bureau est de ceux-là. Au fil de ses spectacles, pas après pas, marche après marche, elle ne cesse de remettre l’ouvrage sur le métier, d’affirmer et d’amplifier son geste artistique, d’étoffer et de sophistiquer sa proposition scénique, grâce, en partie, mais pas seulement, au supplément de moyens qui va de pair avec la renommée. Si certains peuvent s’y être perdus, pris d’une sorte d’ivresse et de folie des grandeurs, elle reste fidèle au sillon de ses origines, cette belle et tendre simplicité, matinée de sensibilité, qui dresse le portrait de femmes puissantes. Son nouveau-né, Pour autrui, poursuit dans cette voie, avec le goût du récit de vie d’envergure qui sied si bien à la metteuse en scène.
Pour Liz Chassagnac et Alexandre Briaud, tout commence par une tempête, dans les cieux et dans les cœurs. En déplacement professionnel, les deux trentenaires, qui ne se connaissent ni d’Eve, ni d’Adam, se retrouvent coincés à l’aéroport de Francfort à cause d’un déferlement de neige qui rend impossible, en avion comme en train, leur retour vers Paris. Pour regagner la capitale, lui décide de louer une voiture, et elle, après avoir simplement échangé quelques mots, de le suivre. De ce road-trip éclair, naît un coup de foudre, puis une belle histoire d’amour. Rapidement, le duo emménage sous le même toit et se prend à désirer un enfant. Comme si rien ne pouvait les arrêter, Liz tombe enceinte, sans difficultés, mais c’est là que le ciel leur tombe sur la tête. Victime d’une fausse couche tardive, la jeune femme apprend, dans la foulée, qu’elle a un cancer et doit subir une hystérectomie qui l’empêchera d’attendre, à l’avenir, un enfant. De l’autre côté du monde, sa sœur, Kate, sage-femme dans une clinique californienne, lui propose alors une solution : l’une de ses collègues, Rose Hutchinson, déjà mère de deux enfants, pourrait lui venir en aide et porter, pour elle, ce bébé tant désiré, comme l’y autorise la loi du Golden State.
Dramaturgiquement bien menée, avec sa succession d’accélérations et de décélérations temporelles, Pour autrui n’est pas de ces spectacles militants qui voudraient, à tout prix, prendre frontalement position pour ou contre ce thème sensible qu’est la gestation pour autrui. Tout en n’esquivant rien des questions éthiques, juridiques et financières qu’elle peut soulever, Pauline Bureau ne cherche pas à ouvrir un débat directement politique, mais souhaite plutôt mettre en avant la beauté du geste, du soucis de l’autre et du don de soi dans le cadre d’une « GPA éthique » telle qu’elle peut se pratiquer, notamment, en Californie. Saupoudrée de touches d’humour bien senties, incarnées, tout particulièrement, dans la suite de personnages un peu gauches – l’échographiste, l’interne, l’employé de l’état-civil – endossés par Anthony Roullier et dans la mère de Liz, follement interprétée par Martine Chevallier, l’histoire cousue main par la metteuse en scène se nourrit également de tranches de réel, comme en témoigne la justesse de la relation patient-médecin, de l’attitude affligée des parents face à la maladie de leur fille, des frictions dans le couple qui peuvent naître avec les épreuves ou encore des témoignages de Rose et Jim, qui expliquent, face caméra, les raisons qui les poussent à venir en aide à Liz et Alexandre.
On pourra simplement regretter, notamment dans la seconde partie, que ce récit de vie, par trop fleur bleue, ait tendance à tourner au conte de fées, capable de résoudre des problèmes, pourtant profonds, en un coup, express, de baguette magique. Tout se passant alors comme si Pauline Bureau voulait rééquilibrer le désastre du début, et réparer la douleur, quitte à effacer – presque – toutes les ombres potentielles au tableau grâce à un monceau de joie, de bonheur et de solutions faciles. Pour autant, cette veine poético-romantique trouve parfaitement sa cohérence avec la composition scénographique d’Emmanuelle Roy. De prime abord imposante, sa boîte à jouer se révèle, au fil des scènes, être un coffre aux merveilles dont la metteuse en scène fait une force pour voyager, avec le soutien vidéo de Nathalie Cabrol, de Paris à San Francisco, d’un chantier au cabinet d’un médecin, d’un aéroport à la maternité. A l’avenant, la majorité des comédiens passent, eux aussi, de rôle en rôle, avec, toujours, pour fil rouge, cette délicate humanité qui fait désormais la marque de fabrique du travail de Pauline Bureau.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
Pour autrui
Texte et mise en scène Pauline Bureau
Avec Yann Burlot, Martine Chevallier, Nicolas Chupin, Rébecca Finet, Sonia Floire, Camille Garcia, Maria Mc Clurg, Marie Nicolle, Anthony Roullier, Maximilien Seweryn, et, à l’image, Rose Josefsberg Fichera et Jason Kitchin
Scénographie et accessoires Emmanuelle Roy
Composition musicale et sonore Vincent Hulot
Costumes Alice Touvet
Vidéo Nathalie Cabrol
Lumières Laurent Schneegans
Dramaturgie Benoîte Bureau
Collaborations artistiques Cécile Zanibelli et Léa Fouillet
Perruques, coiffures et maquillage Catherine Saint-Sever
Construction marionnettes Carole Allemand et Sophie Coeffic
Conseil en manipulation des marionnettes Jean-Michel D’Hoop
Conception des surtitres Uli Menke
Traduction en anglais David Pickering
Traduction en arabe Mireille Maalouf
Cheffe opératrice tournage Florence Levasseur
Cadreur tournage Jérémy Secco
Régie générale John CarrollProduction La part des anges
Coproduction La Colline-théâtre national, Le Volcan – Scène nationale du Havre, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg, L’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône, Théâtre Dijon Bourgogne – Centre dramatique national, La Comédie de Colmar – Centre dramatique national, Le Bateau-Feu – Scène nationale de Dunkerque, Le Théâtre des Quartiers d’Ivry – Centre dramatique national.
Le spectacle a reçu l’aide à la création du département de Seine-Maritime.
Avec le soutien de la Cie MidiMinuit
La part des anges est conventionnée par le ministère de la Culture / DRAC Normandie et la Région Normandie.Durée : 2h25
La Colline – théâtre national, Paris
du 21 septembre au 17 octobre 2021Le Bateau Feu – Scène nationale de Dunkerque
les 25 et 26 novembreLes Quinconces L’Espal – Scène nationale du Mans
les 5 et 6 janvier 2022Le Volcan – Scène nationale du Havre
les 20 et 21 janvierL’Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône
les 28 et 29 janvierL’Avant-Seine – Théâtre de Colombes
le 4 févrierL’Azimut Firmin-Gémier – Châtenay-Malabry
les 9 et 10 févrierScènes du Golfe – Vannes
le 22 févrierLa Comédie de Colmar – Centre dramatique national
les 9 et 10 marsLa Comédie de Saint-Étienne – Centre dramatique
du 15 au 18 marsLa Filature – Scène nationale de Mulhouse
les 22 et 23 marsThéâtre Dijon Bourgogne – Centre dramatique national
du 29 mars au 1er avril
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