Le ballet de l’Opéra de Paris place ses retrouvailles avec le public sous l’égide d’une grande figure de la maison, le danseur et chorégraphe Roland Petit, à travers un programme qui trouve, sans surprise, son point d’acmé dans Un jeune homme et la mort interprété par Hugo Marchand, éblouissant d’intensité.
Décédé il y a dix ans déjà, Roland Petit a durablement marqué l’histoire de l’Opéra de Paris où il s’est d’abord formé, très jeune, pour ensuite l’intégrer comme danseur et enfin brièvement le diriger. Sur la scène du Palais Garnier, trois pièces de jeunesse empreintes d’un charme rétro mais certain se succèdent et témoignent du goût de l’artiste pour le ballet narratif, mais aussi de sa liberté formelle et de la variété de ses sources d’inspiration. En effet, une danse généreusement, ouvertement créative et expressive se laisse redécouvrir, une danse poreuse aux différentes disciplines, littéraires et artistiques qui rendirent foisonnante la scène de l’immédiat après-guerre. Les titres présentés réunissent une constellation d’artistes phares tels que Prévert ou Cocteau, Brassaï ou Picasso, rien de moins.
Le Rendez-vous qui ouvre le programme sur la chanson populaire « Les enfants qui s’aiment » de Kosma et Prévert accompagnée à l’accordéon explore un Paris nocturne, pittoresque et spleenétique, un peu bohème, un peu coupe-gorge. La ville affiche sa modernité et son urbanité à travers une esthétique en noir et blanc entre photographie et cinéma. En parfait contrepoint, la Carmen qui conclut la soirée fait éclater ses couleurs chatoyantes et chamarrées. La chorégraphie riche en contrastes et pleine de vivacité, fait se conjuguer grand ensemble et intimisme jusqu’à un dernier pas de deux saisissant de tension sous les coups de tambours martelés comme pour mieux exacerber la violence tragique de l’œuvre.
La danse affranchie et hyper-théâtralisée de Roland Petit nécessite de voir s’affirmer de solides personnalités. Hugo Marchand qui prend le rôle du Jeune homme et la mort fait merveille. Silhouette sculpturale et élancée dans sa salopette en jean bleu, geste à la fois minutieux et abrupt qui évoque Nijinski, il se montre pleinement inspiré et habité. D’abord nonchalamment étendu sur le lit de fer d’une mansarde, fumant par bouffée une cigarette, puis happé par la conscience du temps irrémédiable et de la finitude, il mène une danse viscérale, intranquille. Les chaises et les tables sont escaladées, renversées, dans un dernier élan vital face au funeste destin. Bondissant, virevoltant, il se débat face à la mort magnifiquement personnifiée par Laura Hecquet. Sa lutte donne lieu à un puissant corps à corps placé sous les signes de l’érotisme et de la fatalité.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Le rendez-vous
Sur un argument de Jacques PrévertMusique :
Joseph KosmaChorégraphie :
Roland PetitDirection musicale :
Pierre DumoussaudDécors :
BrassaïCostumes :
Antoine MayoEclairages :
Jean-Michel DésiréRideau de scène :
Pablo PicassoLe Jeune homme et la Mort
Musique :
Johann Sebastian Bach – (Passacaille en do mineur, BWV 582)Livret :
Jean CocteauChorégraphie :
Roland PetitDirection musicale :
Pierre DumoussaudDécors :
Georges Wakhévitch
Barbara KarinskaLumières :
Jean-Michel DésiréCarmen
Musique :
Georges BizetChorégraphie :
Roland PetitDirection musicale :
Pierre DumoussaudArrangements :
G. Tommy DesserreDécors :
Antoni ClavéCostumes :
Antoni ClavéEclairages :
Jean-Michel DésiréLes Étoiles, les Premiers Danseurs et le Corps de Ballet
Palais Garnier – du 30 mai au 07 juillet 2021 – premières repoussées suite à un problème technique
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