Irrésistiblement drôle, Falstaff, donné au Festival d’Aix-en-Provence, confirme le génie comique de son metteur en scène Barrie Kosky. Aussi bons chanteurs qu’acteurs, les interprètes truculents font aussi la réussite du spectacle coproduit par l’Opéra de Lyon dont l’orchestre en grande forme occupe la fosse.
Forcément farcesque, le Falstaff de Verdi mis en scène par Barrie Kosky se départit néanmoins de la tradition et évite toute caricature au profit du rire et de l’empathie. D’inspiration dionysienne, il est dépeint en jouisseur jouissif et se présente sous les traits d’un cuisinier hors pair qui exhibe ses fesses nues derrière son tablier. On le découvre dès le rideau levé en train de composer amoureusement l’une de ses spécialités. Aux fourneaux d’une auberge miteuse bientôt fréquentée d’ectoplasmiques clients, il bat frénétiquement les œufs et le lait, hache, tranche, émince, hume, saupoudre et fait flamber un fameux plat dont il a le secret.
Après cette savoureuse entrée en matière, les scènes défilent à l’avenant et à toute allure avec toujours au centre du propos une généreuse vivacité et un épicurisme revendiqué. Il plane un sacré tourbillon de couleurs bariolées, de fantaisie, voire de franche folie, sur les intrépides prétentions amoureuses du héros, dont les velléités forcément contrariées viendront à basculer dans une lugubre mascarade grimaçante.
Barrie Kosky exploite à satiété la vis comica de chanteurs totalement galvanisés. Voix quelque peu élimée, mais véritable bête de scène, Christopher Purvers fait de Falstaff un Narcisse décati, mais sûr de lui, un vieux beau excentrique, déhanché et déchaîné. Sans attrait, mais un brin coquet, il se vêtit d’un costume ton sur ton avec les motifs du carrelage vert qui tapisse les murs et se coiffe à l’envi d’une ribambelle de perruques exubérantes. Même en campant un personnage aussi hautain et déplaisant que celui de Ford, Stéphane Degout n’est pas en reste. Il fait montre d’une impressionnante véhémence vocale tout en rivalisant d’amusement à jouer lui aussi le jeu de la métamorphose. Le plateau tout entier se voit dopé à l’inventivité survitaminée : Carmen Giannattasio fait une Alice finement chipie, Daniela Barcellona est une charnelle et charnue Mrs Quickly, Rodolphe Briand un Bardolfo bonhomme et clownesque qui finit en jupette de mariée endeuillée. Enfin, citons le couple que forment Giulia Semenzato (Nannetta) et Juan Francisco Gattell (Fenton), dont la gracieuse et malicieuse juvénilité charme de bout en bout. De leur humeur joyeuse et facétieuse, tous les interprètes éblouissent l’œuvre et la vision qui en est proposée.
Le sens aigu et gourmand du théâtre dont fait preuve le metteur en scène allemand repose sur une écoute extrêmement détaillée et affûtée de la musique, si bien qu’il contamine la fosse où l’orchestre de l’Opéra de Lyon pétille, bouillonne, vibrionne sous la direction de son chef virtuose et bondissant. Daniele Rustioni restitue de manière aussi bien effrénée que millimétrée tout l’allant et l’éclat pleinement expressifs de la partition haute en couleurs sans pour autant jamais appuyer ses effets.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Falstaff
Opera Buffa en trois actes de Giuseppe Verdi (1813-1901)
Livret d’Arrigo Boito BOITO, tiré des Joyeuses commères de Windsor et de Henry IV Parties I et II de William Shakespeare
Direction musicale Daniele Rustioni
Mise en scène Barrie Kosky
Décors, costumes Katrin Lea Tag
Lumière Franck Evin
Dramaturgie Olaf A. SchmittAvec
Sir John Falstaff, Christopher Purves
Ford, Stéphane Degout
Fenton, Juan Francisco Gatell
Mrs Alice Ford, Carmen Giannattasio
Mrs Quickly, Daniela Barcellona
Nannetta, Giulia Semenzato
Mrs Meg Page, Antoinette Dennefeld
Dottore Cajus, Gregory Bonfatti
Bardolfo, Rodolphe Briand
Pistola, Antonio di Matteo
Chœur et Orchestre de l’Opéra de LyonProduction du Festival d’Aix-en-Provence
En coproduction avec l’Opéra National de Lyon, Komische Oper Berlin, Théâtre du Bolchoï de RussieDurée : 2h25 (entracte compris)
Festival d’Aix 2021
Théâtre de l’Archevêché
les 1, 3, 6, 8, 10 et 13 juillet
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