Le chorégraphe Daniel Larrieu profite de ce printemps pour mettre en ligne un riche site dédié à ses spectacles. Des plus connus aux installations éphémères. Un voyage – passionnant – dans le temps.
Dans les années 80, vos débuts donc, l’image de danse – et sa conservation – avait-elle déjà une place importante ?
Non pas du tout ! L’idée d’être attentif aux traces est devenue plus évidente à la fin des années 90 (les ravages du SIDA ou Les carnets Bagouet). Internet et la nécessaire circulation des images ont contribué à apporter plus d’attention aux captations, pour montrer le travail ou les images de répétitions autant que pour le travail lui-même ! Nous avions pendant Waterproof déjà acheté une caméra, mais je n’ai pas tellement pris de temps de traiter l’archive.
Aujourd’hui la compagnie décide d’offrir sur un site dédié un large choix de vos créations. Le moment était venu ?
Ce travail a débuté il y a une dizaine d’années avec le dépôt des costumes à Moulins (Centre National du Costume de Scène) puis le tri des archives papiers et audiovisuelles. Les aides de l’état ont permis à certains Centres chorégraphiques nationaux, dans les années 2000, de soutenir un travail de numérisation. J’avais déjà quitté Tours, j’ai raté ce rendez-vous !
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons constitué une première sélection avec Dominique Brunet et fait la liste des documents disponibles sur internet sans jugement de valeur pour répondre aux demandes des chercheurs et des étudiants. Ce lent et silencieux travail a été ensuite soutenu par la DGCA et nous a permis de poursuivre le travail pour arriver à la construction de ce site. Le moment est venu. Ces pièces ont peu de chance de circuler à nouveau. Les producteurs aiment la fraicheur des nouvelles œuvres. Ils ont l’impression de les faire naitre.
Nous sommes à la fin d’une période de surproductions. Mon travail se tisse entre répertoire, transmission et la création, lentement.
La reprise de Romance en Stuc* va dans ce sens ! La crise n’est pas encore là. C’est à la sortie de cette période sanitaire terrible et douloureuse pour la vie des danseurs et de tout le milieu chorégraphique (déjà en manque de moyens avant la crise) que nous assisterons à un véritable embouteillage ou pire !
Il est temps d’élaborer une nouvelle écologie du travail !
Un site c’est un arrêt sur images ?
Je voulais que les traces de ses pièces, de ces expériences circulent. Qu’elles montrent sur 40 années de travail combien la curiosité, l’imaginaire, l’écriture dessinent des motifs plus larges : mon goût pour le théâtre, pour le cinéma, pour la peinture ou pour la littérature. Il s’agit bien d’une empreinte totalement personnelle qui souligne l’exigence de mon expérience. Le site réalisé par Benjamin Favrat reprend des dessins des années 80 et propose une forme de constellation poétique douce et flottante. En un sens, c’est un acte de création et un outil qui documente et qui, j’espère, inspire.
Le souhait est-il aussi d’activer une mémoire de la danse, notamment pour une nouvelle génération de danseurs et de spectateurs ?
Exactement ! Activez, mais sans nostalgie les mémoires, les traces, les aventures ! Le site est un jeu de pistes à entrées multiples, sans hiérarchie que la chronologie. Si les nouvelles générations de spectateurs et de danseurs manquent de connaissances sur la singularité de ces expériences, encore faut-il faciliter l’accès à ces documents. Le temps est venu pour les partager de manière gratuite et généreuse ! La crise sanitaire m’aura donné un plus de temps pour y travailler !
Ces années Larrieu sont-elles passées trop vite ?
Pour les aborigènes les temps passés et le futur sont une même chose. L’autre temps reste le présent !
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
* Romance en Stuc et Chiquenaudes le 12 juin, festival Legs Charleroi, le 21 octobre à Poitiers au TAP
Tout le mois de juillet à la maison des métallos ! Play612 jardin et installations!
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