La chorégraphe Germaine Acogny recrée Le Sacre du printemps de Pina Bausch avec une troupe de danseurs africains. Au cours de la même soirée, elle présente common ground[s] avec Malou Airaudo, ancienne soliste chez Pina Bausch. Après plusieurs reports, le spectacle est présenté à La Villette dans le cadre de la saison du Théâtre de la Ville.
Parlez-nous de la genèse de ce projet de recréer le Sacre de Pina Bausch avec une nouvelle troupe.
Il n’y pas si longtemps je dansais Mon élue noire Sacre#2, un solo créé par Olivier Dubois, à Bruxelles. L’école des Sables a toujours eu des liens avec P.A.R.T.S., les étudiants font des stages chez nous. Je connais Anne Teresa De Keersmaeker, à l’origine de P.A.R.T.S., depuis l’époque de Mudra (créé par Maurice Béjart). Mais j’ai dit à Anne Teresa « pour savoir qui je suis vraiment, il faut venir me voir danser ! ». Elle est venue mais pas seule. En fait, elle participe au conseil d’administration de la Fondation Pina Bausch. Salomon Bausch avait avoué son désir de voir le Sacre dansé par des interprètes africains un jour.
Et c’est Salomon Bausch, le fils de Pina et directeur de la Fondation, qui accompagnait Anne Teresa De Keersmaeker ?
Oui ! Il était là pour Mon élue noire. Nous avons discuté à la fin du spectacle. Et évoqué ce projet. J’ai vu le Sacre de Maurice Béjart, j’ai vu celui de Pina Bausch. Pour moi le Sacre du printemps de Pina c’est africain ! Le mouvement, la tourbe, cette énergie. Puis Jo-Ann Endicott est venue donner un stage à l’Ecole des Sables, elle a pu se rendre compte de la qualité de nos danseurs. La machine s’est mise en route…
Comment avez-vous procédé pour auditionner puis choisir la troupe ?
Les sélections se sont déroulées au Burkina Fasso, à Abidjan et à Dakar. Au total nous avons réuni 38 danseurs de 14 pays d’Afrique. Des ex-danseurs de Pina sont venus ensuite pour les répétitions. En Mars 2020 nous étions prêts à donner une représentation pour le public ici. Je rentrais de tournée. Et tout s’est arrêté, les théâtres ont fermé. J’ai éclaté en sanglots. Heureusement nous avons pu filmer une représentation avec les danseurs. Salomon Bausch a eu l’idée de le faire sur une plage au crépuscule, sur le sable. C’était magnifique.
Comment les danseurs ont vécu cette expérience du Sacre et de l’écriture de Pina Bausch ?
Ils se sont appropriés la musique de Stravinsky autant que la gestuelle. Nos danses traditionnelles sont une bonne école pour aller vers d’autres danses, vers d’autres cultures. Il y avait chez eux une soif d’apprendre. A L’Ecole des Sables nous sommes à l’écoute, c’est le principe. Une école de la communion. Je crois que cette énergie tellurique colle au Sacre. L’Afrique c’est la danse. Les 38 danseurs ne parlent pas tous la même langue mais ils se comprennent. On a réussi par la danse, en Afrique, ce que les politiques ont toujours échoué à faire !
Ce Sacre est donné avec une création, Common Ground(s), dansée par Malou Airaudo, ancienne soliste chez Pina Bausch, et vous
La fondation Pina Bausch voulait que j’apporte quelque chose en échange ! Un solo par exemple. J’ai dit : non, nous allons le faire ensemble. Malou est venu à Dakar. Nous sommes toutes les deux des mères et des … grand-mères ! Surtout nous avions tant de choses à échanger. Le plus drôle c’est que sa première « chorégraphie » était sur la musique du Beau Danube bleu tout comme moi. Nous avons tellement de points communs. Cette rencontre avec Malou a été un voyage dans tous les sens.
D’Oliver Dubois à Salia Sanou, vous inspirez les chorégraphes actuels…
Olivier est venu me demander si je voulais être son élue noire. Béjart avait le désir de faire un Sacre pour Mudra Afrique et que j’en sois l’Elue. Hélas l’école a fermé avant. Mais faire un Sacre à 35 ans ce n’est pas la même chose qu’à 70 ans ! Olivier s’est appuyée sur ma personnalité, mes gestes. Cela a été un travail colossal. Avec Salia c’est autre chose. Il dit que je fais partie des personnes qui l’aident à être ce qu’il est maintenant. Je le vois comme mon fils spirituel. J’aime son humilité. J’apprends des jeunes. J’ai moi-même deux enfants, Patrick est dans la création, ma fille travaille à New York. A une époque je leurs disais quoi lire, quoi voir. Désormais c’est à leur tour de me conseiller.
Après deux tournées repoussées, quel est l’état d’esprit de la compagnie ?
Tous les danseurs sont prêts, nous sommes prêts ! Il faut montrer au monde cette énergie qui nous habite.
Propos recueillis par Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
Le Sacre du printemps/Common Ground(s), du 19 au 30 septembre 2022
Espace Chapiteaux de La Villette dans le cadre de la saison du Théâtre de la Ville
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !