Génération sceneweb (23/30). Nouveau directeur du Centre National de Danse Contemporaine d’Angers, Noé Soulier a vécu une décennie en mouvement.
Sorti de l’école P.A.R.T.S. en 2010, Noé Soulier s’est immédiatement lancé dans la création. « J’ai poursuivi plusieurs lignes de recherche en même temps ». Avant la danse contemporaine, le premier projet qu’il a signé, Le Royaume des ombres, visait à « utiliser le vocabulaire classique pour jouer sur la syntaxe : la manière de mettre les pas ensemble ». D’autres créations sont venues explorer cette problématique : des commandes pour le Ballet du Rhin et le Ballet de Lorraine. « Le vocabulaire de la danse classique est extrêmement riche et complexe. Il a eu une influence majeure sur la danse contemporaine de Merce Cunningham à Anne Teresa de Keersmaeker, en passant par Trisha Brown et William Forsythe. Avec ces approches j’essaie de révéler certaines de ces dimensions internes ». En parallèle d’autres projets, de Petites perceptions jusqu’aux Vagues, tentent de développer un vocabulaire chorégraphique « qui me soit propre. Il s’appuie sur le fait que l’expérience que l’on a du mouvement est toujours fragmentaire, que ce soit dans l’instant présent ou dans le souvenir que l’on en a. Il y a certaines parties du corps que l’on ne peut pas voir et que l’on ne peut pas toucher et surtout notre attention se focalise sur certains aspects du mouvement au détriment des autres. J’essaie de rendre sensible cette dimension fragmentaire de l’expérience corporelle en partant d’actions motivées par des buts pratiques — comme frapper, lancer ou éviter — et en les tordant par des contraintes multiples. Il y a quelque chose que je trouve très émouvant et très intense dans cette dimension fragmentaire de l’expérience et j’essaie de le faire éprouver à travers le mouvement. »
On peut citer un autre aspect du travail plus théorique que Noé Soulier a développé dans le livre Actions, mouvements et gestes et le solo Mouvement sur mouvement. « J’ai ressenti le besoin de développer des outils pour analyser et décrire différents modes de rapport au corps et au mouvement présent dans les pratiques chorégraphiques ». Sans oublier une exposition chorégraphiée Performing Art. « Aujourd’hui, je continue à développer chacune de ces lignes de recherches. Elles s’entrecroisent continuellement et, au fond, j’ai l’impression que c’est une seule et même recherche qui emprunte des chemins multiples. Le Cndc est une occasion unique de leur donner une autre dimension et de les partager avec des acteur·rices multiples. J’essaie d’aborder la conception du projet comme une démarche artistique globale qui ne prend pas uniquement la forme d’œuvres, mais possède une dimension pédagogique avec l’École supérieure et curatoriale avec la programmation ».
Crise oblige, Noé Soulier part du principe qu’il faut s’adapter, trouver des solutions qui permettent de continuer à créer, à expérimenter, à danser. « Ainsi En ce moment, les étudiant·es suivent un cours théorique sur les différentes dimensions de la notion de geste avec Lucia Ruprecht de l’Université de Cambridge, dont l’ouvrage Gestural Imaginaries renouvelle profondément notre compréhension de ce concept. Il·elles remontent avec Cyril Baldy N.N.N.N., un quatuor de William Forsythe dont le vocabulaire et la composition sont particulièrement riches et participent à un atelier sur Zoom avec Rubberlegz, danseur de Hip Hop de Los Angeles ».
Aux yeux de Noé Soulier les problématiques liées aux discriminations, à la visibilité des minorités et à l’impact de nos modes de vie sur l’environnement ont été abordées par les artistes bien avant qu’elles ne deviennent des sujets de société centraux. « Les problèmes majeurs auxquels nous devrons faire face demain sont probablement en train de se dessiner dans les œuvres d’artistes de par le monde, sans que nous soyons capables de les identifier pleinement. De ce point de vue, il me semble qu’il faut rester conscient que l’on ne peut pas déterminer pleinement quels sont les sujets les plus urgents, au risque de se rendre aveugle aux mutations en cours. Ce qui est en train de se jouer sous nos yeux nous échappe toujours en partie ».
Philippe Noisette – www.sceneweb.fr
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