Jacques Allaire a créé le 17 mars à Béziers à Sortie Ouest le domaine départemental d’art de culture de Bayssan deux textes rares de Georges Bernanos : « La liberté, pour quoi faire ? » et « La France contre les robots ». Et l’on découvre un Bernanos méconnu. Politique. Bernanos a fui la France en 1938 avant les accords de Munich, pour rallier De Gaulle qui lui demande de revenir à la Libération. Et c’est à cette époque qu’il écrit ces textes Il met en garde la société face aux progrès technologiques. L’écrivain critique autant la pensée capitaliste que la pensée marxiste. Jacques Allaire, le metteur en scène a aimé ce discours radical de Bernanos qui parle de société concentrationnaire économique….
Jacques Allaire, pourquoi avoir souhaité monter ces deux textes oubliés de Bernanos ?
On peut franchement dire qu’ils sont oubliés, même s’ils viennent d’être réédités tout récemment. Ce sont des textes d’une beauté et d’une pensée fulgurante. Bernanos est un poète et un grand prosateur de la langue française. Il est peut lu à part des œuvres comme « Le journal d’un curé de campagne » ou « Mouchette ». Ce sont des œuvres de la fin de sa vie, des discours prononcés à Genève ou à la Sorbonne en 47, 48. Elles sont puissantes, politiques. Nous sommes donc en 4è et alors que tout le monde essaye de régler les comptes de la guerre, lui règle déjà les comptes de notre époque avec soixante ans d’avance. Et c’est perturbant, cela relève pratiquement d’une œuvre de science fiction. Il parle de l’économie libérale…
Donc c’est un texte visionnaire…
Oui on peut le dire, car ce n’est pas une analyse politique, c’est l’œuvre d’un poète. Il parle de l’homme et de l’homme maintenant. De l’homme tel qu’il le voit venir.
Est-ce que le théâtre manque de ce type de réflexions actuellement ?
C’est une question délicate, car la question du monde dans lequel je suis comme individu est ce qui me fait aimer le théâtre. Nous vivons dans un monde égoïste et superficiel, et le théâtre a peut-être tendance à traiter des œuvres superficielles.
Vous dites que l’on évolue dans « un monde pisse froid »….
Un monde pisse froid, oui. Il y a assez peu de courage dans notre monde. Les gens sont mis dans des situations d’absence de courage complet. Chacun voulant en permanence préserver sa propre place, sa propre situation. Les gens sont dans une servilité permanente. Cette espèce de censure économique produit une société de lâches, de « pisse froid» qui se fait taper dessus toute la journée.
Etes-vous révolutionnaire ?
Non, j’ai l’impression de remplir ma place d’artiste, j’ai l’impression d’être inscrit dans une tradition. Le théâtre s’est toujours occupé de faire comprendre le monde dans lequel il est, pour faire rigoler ou faire pleurer. Et moi je ne fais que ça. Comme on du le faire avant Brecht, Heiner Muller, Kantor, Vitez ou Shakespeare.
La beauté du théâtre, c’est de changer de genre. Vous passez d’Andersen à Bernanos…
Je passe d’un poète à un autre. Andersen ne se considérait pas comme conteur. Et moi je considère Bernanos comme un poète.
Vous dites que l’on manque un peu de courage dans société actuelle, comment avez-vous vécu les évènements du début de l’année en Afrique du Nord ?
Ca me semble exemplaire. Cela signifie qu’à un moment donné les souffrances sont telles que la rébellion est inévitable. La révolte est saine. Dans nos pays on ne vit pas sous le même totalitarisme. Bernanos en parle comme ça. Il dit que nous vivons dans une société totalitaire et concentrationnaire, mais il parle d’économie, mais pas du pouvoir militaire violent comme on pu le vivre les peuples en Tunisie. Il s’agit d’une autre forme de dictature. Il y a toute forme de censure que simplement le coup porté sur la tête, même si ça fait mal, il y a beaucoup de gens qui souffrent dans la rue. Et ils sont de plus en plus nombreux. Des gens sans logement, sans diplômes, qui perdent leur travail, qui sont délocalisés. Et c’est une forme de monde concentrationnaire de jeter les gens dans la rue en disant qu’on n’y est pour rien, comme si c’était la pluie ou les orages qui faisaient ça, ou les crises. Ce qu’il y a d’admirables dans les révolutions c’est qu’elles donnent toujours un espoir clair que le appartient aux hommes et pas à ceux qui le dirigent.
Revenons à votre spectacle, vous allez mettre le spectateur au cœur du dispositif…
Complètement, j’avais envie que le spectacle vu son propos et sa nature soit un peu comme au milieu des gens. Il y a une passerelle qui traverse les gens, et sans que cela soit interactif, il faut que la parole soit bien comprise et que ce soit vécu comme une parole qui appartient aux spectateurs.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La liberté pour quoi faire ? ou la proclamation aux imbéciles
d’après Georges Bernanos
un spectacle de Jacques Allaire
interprétation Jacques Allaire et Jean-Pierre Baro
lumière Christophe Mazet
son Guillaume Allory
Le texte La liberté, pour quoi faire ? est disponible aux éditions Gallimard.
Le texte La France contre les robots est disponible aux éditions Castor Astral.
Durée estimée 1h15
Coproduction
sortieOuest – Domaine départemental d’art et de culture de Bayssan – Béziers
Théâtre Jacques Coeur – Lattes – Port Ariane
Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau
Résidence de création à Saint Gervais sur Mare – Communauté de Communes des Monts d’Orb
Ce projet bénéficie du soutien du ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Languedoc- Roussillon de la Région Languedoc-Roussillon
et de Réseau en Scène Languedoc-Roussillon
Remerciements au Théâtre des 13 vents – Centre Dramatique National du Languedoc-Roussillon et à la Communauté de Communes des Monts d’Orb
Production déléguée : Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau
3 au 5 octobre 2012,Théâtre des Treize Vents – Centre Dramatique National Languedoc-Roussillon Montpellier (34)
9 octobre 2012, Théâtre de Chelles (77)
12 octobre 2012, Théâtre de Vénissieux – Scène nationale (69)
23 octobre 2012, Scènes des 3 Ponts – Castelnaudary (11)
25 octobre 2012, L’Arc – Scène nationale Le Creusot (71)
9 novembre 2012, Figeac-Communauté (46)
30 janvier 2013, Scène nationale 61 – Mortagne (61)
4 et 5 février 2013, Le Salmanazar – Scène de création et de diffusion d’Epernay (51)
7 et 8 février 2013, Théâtre du Chêne Noir – Avignon (84)
15 février 2013, Théâtre de l’Atrium – Tassin la Demi-Lune (69)
13 juillet 2013, Théâtre du Cloître – Bellac (87)
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !