En adaptant pour la scène le récit conclusif du roman « 7″ de Tristan Garcia, Marie-Christine Soma offre à son acteur de prédilection Pierre-François Garel un seul en scène démesuré. La pièce se présente comme une vaste méditation dystopique sur le temps et l’existence.
Les chiffres défilent de 1 à 7 sur un moniteur et correspondent à chacune des vies soudainement et inexplicablement promises au protagoniste de la pièce La septième. Enfant chétif, jeune adulte plutôt asocial mais aspirant à l’amour, la gloire, et la révolution, celui-ci ne peut que s’enhardir à mesure que l’éternité s’offre à lui, surtout quand la puissance du fantasme se confond à la réalité.
Tandis que sa première existence défile d’une manière platement conventionnelle et que les différents évènements tristes ou gais qui la constituent semblent lui filer entre les doigts, lorsque la vie renaît encore et encore, le personnage la joue comme un acteur qui sait parfaitement son rôle. Impatient dévorateur à la mémoire exponentielle, il agit sur les épisodes qu’il enrichit, modifie, avec conscience et confiance, jusqu’à perdre le contrôle. Impossible d’échapper à la déroute, à la dérive. D’homme ordinaire, il deviendra auteur à succès, chef de guerre, meurtrier, figure christique, apôtre du mal, ermite vociférant, jouisseur, profiteur, trompeur, (auto)destructeur.
Romanesque en diable et philosophiquement plutôt pessimiste, le texte fait écho en arrière plan aux soubresauts et turbulences qui secouent une société devenue délétère. Il interroge surtout les capacités individuelles de chacun à répondre au nécessaire besoin de changement et l’impossibilité d’y parvenir.
Tenant la scène pendant quasiment deux heures trente sans jamais faiblir, Pierre-François Garel se fait un remarquable soliste à l’épreuve d’une partition riche et ardue. Il épate de bout en bout. La voix est grave, le geste précis et lent, la présence à la fois concrète et mystérieuse, l’intention claire, le jeu empreint d’autant de fièvre et de tapage combatif que de finesse et de déchirante mélancolie. L’acteur décline et incarne toute l’excitation, l’ébullition, les pulsions et répulsions, enfin la lassitude de son personnage auquel il donne consistance et densité. La mise en scène de Marie-Christine Soma se montre astucieuse mais passe pour assez froide. Ses recours à la forme cinématographique trop épisodiques sont peu mis en valeur par leurs sommaires surfaces de projection. C’est fort heureusement grâce au talent et à la puissance évocatrice de l’acteur que l’on plonge intensément dans le vertige du texte et passe de l’exaltation à la profonde désillusion face à l’éternel recommencement.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
La Septième
Marie-Christine Soma — Tristan Garcia
Création en novembre 2020Générique du spectacle :
Texte d’après 7 de Tristan Garcia © Editions Gallimard
Adaptation, mise en scène et lumière Marie-Christine Soma
Avec Pierre-François Garel
A l’image Vladislav Galard, Pierre-François Garel, Mélodie Richard, Gaël Raës
Scénographie Mathieu Lorry-Dupuy
Costumes Sabine Siegwalt
Musique et son Sylvain Jacques
Vidéo Pierre Martin
Images du film Marie Demaison et Alexis Kavyrchine
Assistante à la mise en scène Sophie Lacombe
Assistante à la lumière Pauline GuyonnetGénérique du film
Réalisation Marie-Christine Soma
Avec Vladislav Galard, Pierre-François Garel, Mélodie Richard, Gaël Raës
Images Marie Demaison, assistée de Coline Costes
Prise de son Térence Meunier
Eclairage Mickaël Bonnet, assisté de Thomas Cazottes
Costumes Sabine Siegwalt
Figuration Louis Albertosi, Orlène Dabadie, Diane Guérin, Pierre-Thomas Jourdan, Guillaume Mika, Solène Petit, Rébecca Tettens, Paola ValentinProduction MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
Coproduction Théâtre National de Strasbourg
Avec le soutien de la DRAC Île-de-France – Ministère de la CultureDurée : 2H20
MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis – du 30 septembre au 15 octobre 2022
Maison de la Culture d’Amiens – les 19 et 20 octobre 2022
La Comédie de Valence – les 8 et 9 novembre 2022
TNS, Strasbourg – du 15 au 23 novembre 2022
Théâtre 71, scène nationale Malakoff – du 30 novembre au 2 décembre 2022
Théâtre National de Bretagne, Rennes – du 10 au 14 janvier 2023
Spectacle vu à Orléans hier.
Bravo a vous
C’est à voir, et à vivre.
J’en suis ressorti légèrement différent.