La 32ᵉ cérémonie des Molières qui s’est déroulée en différé du Théâtre du Châtelet sur France 2 a couronné, Électre des bas-fonds, de Simon Abkarian qui a reçu le Molière du Théâtre public, celui de la mise en scène d’un spectacle de Théâtre public, et celui de l’auteur francophone. Une fresque épique enlevée aux accents lyriques qui avait été créée à l’automne au Théâtre de Soleil. Le spectacle sera en tournée en janvier 2021. Tandis que Le dernier jour du jeûne sera repris au Théâtre de Paris du 15 octobre jusqu’au 2 janvier. Simon Abkarian est actuellement en répétition avec l’équipe d’Ariane Mnouchkine à la Cartoucherie.
Etes-vous heureux d’avoir été récompensé par la profession ?
Au delà de la récompense pour le spectacle, ce qui me rend heureux c’est que l’on puisse continuer à célébrer le théâtre, sur une chaîne publique, à un horaire de grande écoute. Notre travail est de donner de la joie, de l’intelligence…nos efforts sont récompensés. Cela me touche beaucoup. Cela m’encourage de continuer à écrire. Mais la reconnaissance, c’est aussi d’avoir les moyens de continuer à travailler. C’est toujours précaire de faire du théâtre, cela demande du temps, du courage, de l’argent…cette reconnaissance va je l’espère faciliter l’avenir. Et cela dit aussi que l’on peut faire un spectacle sans grands moyens. On a répété sans argent, on a travaillé au Théâtre du Soleil grâce à Ariane Mnouchkine qui nous a laissé toute la recette qui a ensuite été partagée à 25. C’est important de le savoir. Parfois c’est désespérant de faire du théâtre, parfois il y a des miracles.
A travers ces 3 Molières, ce sont aussi toutes les compagnies qui sont récompensées.
On est toujours une jeune compagnie. Souvent les gens me disent « mais Simon tu n’as pas eu de subventions ? Même toi ! ». Je leur réponds qu’il n’y a pas d’argent, même pour moi. Ce qui nous tient c’est le rêve, celui de vouloir changer le monde à travers la beauté. C’est une utopie où des cinglés se réunissent et se disent qu’ils vont peut-être pouvoir contribuer à un monde meilleur. Il y a des questions qui sont posées au théâtre et nulle par ailleurs. Au théâtre, on se pose la question de l’érudition et de la connaissance par les textes. Il y a des gens qui font des carnets d’adresses par relations, nous ont fait des carnets d’adresses avec les poéte.ss.e.s.
Votre spectacle est un spectacle de troupe. La troupe c’est essentiel ?
C’est mon utopie. C’est mon rêve, de pouvoir m’enfermer avec des gens et de questionner le monde avec des hommes et des femmes, avec qui j’ai envie de danser, de rire, de pleurer. Effectivement, la troupe est essentielle, d’ailleurs à part au cinéma et à la télé, je ne joue qu’avec la troupe et les gens que j’aime. On se donne le temps de se connaitre, de se tromper, de ne pas savoir…
Ces Molières arrivent dans une année particulière, où la pandémie a stoppé vos activités. Comment avez-vous vécu cette période ?
Le Covid a arrêté le monde, ma peine est bien en deçà de celles et ceux qui ont perdu des êtres chers. Ce serait indécent de dire autrement. Certains personnes n’ont même pas pu enterrer leurs proches. Cette période a été particulière. Emmanuel Macron a parlé de guerre, mais ce qu’il a oublié de dire, c’est que la guerre est un révélateur. Elle révèle l’héroïsme chez celles et ceux que l’on n’attendait pas, et la lâcheté, la veulerie et le mensonge, chez celles et ceux qu devraient être l’exemplarité même de l’éthique et de la vérité.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Admirable interview. Quelle intelligence chez cet homme de théâtre !