« Année blanche » pour les intermittents, fonds d’indemnisation pour les tournages annulés et exonération de cotisations pour les auteurs : Emmanuel Macron a annoncé mercredi une série de mesures de soutien à un secteur de la culture touché de plein fouet par la crise économique liée au coronavirus, appelant les artistes à être « inventifs » dans cette période d’incertitude. Des annonces faites après une réunion avec treize artistes dont la comédienne Nora Krief, la chorégraphe Mathilde Monnier et le metteur en scène Stanislas Nordey.
Vous êtes l’un des artistes ayant participé à cette visio-conférence avec Emmanuel Macron, le Président de la République. Est ce que ce rendez-vous a répondu à vos attentes ?
Nous les signataires de la tribune du Monde, ce que l’on attendait c’était avant toute chose de rassurer les artistes, de leur donner une perspective et que l’état anxiogène dans lequel ils se trouve en ce moment puisse se dissiper un tout petit peu. La réponse d’Emmanuel Macron est satisfaisante. On a obtenu ce que l’on a demandé avec d’autres, avec les signataires des deux pétitions, et sans conditions. La présence de Bruno Le Maire et de Muriel Pénicaud a accentué le fait que la réponse avait été prise au sérieux à tous les niveaux de l’Etat.
Est-ce qu’il a fallu le convaincre ?
Quand nous sommes arrivés, ils étaient convaincus. Ce matin on a essayé d’ouvrir des perspectives pour l’après, de faire des propositions. On nous avait demandé de plancher sur un état des lieux dans chacun de nos secteurs et d’apporter des solutions.
Mis à part les mesures d’urgence qui ont été mises en place depuis le début de la crise sanitaire, Emmanuel Macron n’a pas dégagé de fonds supplémentaires pour le spectacle vivant, est-ce que vous le regrettez ?
Je dois avouer que je n’attendais pas plus que cette année blanche. Il reste du chemin à faire. Il y a quelques annonces intéressantes sur les commandes faites à de jeunes artistes. Sur le spectacle vivant, cela reste encore à construire. Je ne sors pas de cette réunion comme si elle n’avait servi à rien, car il y a eu des engagements de crédits sur l’enseignement artistique et culturel. On avance petit à petit. Je n’attendais pas le New Deal ! J’espérais surtout que l’on puisse rassurer les intermittents. C’est fait. On a demandé un nouveau rendez-vous dans deux mois pour voir comment nos propositions ont été prises en compte.
Il a beaucoup insisté sur la réinvention des formes de créations. Y avez-vous déjà réfléchi pendant ces deux mois de confinement ?
J’échange quasiment tous les jours avec Wajdi Mouawad, Thomas Jolly, Arnaud Meunier, et beaucoup d’autres de mes consœurs et confrères. On cherche des solutions pour voir comment on peut inventer cette saison « hors norme » comme l’a nommée Emmanuel Macron. On a des pistes de travail. On a insisté pour avoir une visibilité car pour le moment il est impossible de construire quelque chose d’innovant pour les mois à venir. On a insisté pour retourner dans nos lieux le plus vite possible. Répéter pour le spectacle vivant. Tourner pour le cinéma et la télévision. On a demandé l’accélération d’un calendrier de retour des publics à partir de septembre. Que l’on sache à partir de quand nous serons en mesure d’accueillir 100 personnes dès septembre, puis 300 en novembre, puis 500 en janvier. Si on avait un échéancier comme c’est le cas pour l’école – même si il est perfectible – cela nous permettrait de construire des choses dynamiques et innovantes.
Emmanuel Macron a évoqué une réouverture de certains lieux dès le 11 mai, pour permettre aux artistes de poursuivre leurs répétitions. Est ce que cela va être votre cas au Théâtre National de Strasbourg ?
Le TNS va rouvrir ses portes au personnel à partir de mercredi. D’ici-là avec le directeur technique, avec la sécurité et la maintenance, on visite le lieu pour baliser, regarder les sens de circulation. On va cependant favoriser au maximum le télétravail. Et à partir du 2 juin, je vais recommencer les répétitions de Berlin mon garçon, le pièce de Marie NDiaye qui aurait dû se jouer en ce moment. Pour cela avec les délégués du personnel et avec les équipes techniques, on a travaillé à des protocoles de répétition pour que l’on puisse accueillir les artistes et les techniciens en toute sécurité et recommencer à fabriquer.
Quand il encourage les artistes à profiter de cette période pour renouveler les publics, pour aller chercher les gens qui ne viennent jamais au théâtre, pour donner du temps à l’école, on a eu le sentiment qu’il découvrait ce que vous les artistes vous faites au quotidien ?
C’est ce qu’on lui a dit. Tout ce que vous proposez on le fait déjà ! Nous sommes déjà très inventifs. Parfois il nous manque des moyens pour faire plus. Son soucis est légitime, de faire que cet été, les jeunes qui ne partent pas en vacances puissent avoir accès à des activités culturelles. Mais ce n’est pas faisable à moyen constant. Par exemple les pertes financières au TNS s’élèvent à 500 000 € avec les surcoûts liés à la crise. Nous pouvons faire ce que nous faisons d’habitude – et en faire plus – que si nous sommes accompagnés. J’espère que l’on a été entendu.
Propos receuillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Je ne peux me satisfaire de ce qui a l’air de vous satisfaire. Que veut dire inventer une saison hors norme sans argent, sans subventions, face à tous ces artistes, comédiens, créateurs, gens du théâtre, qui vivent, oui disons le, d’un salaire qui leur ai payé, souvent misérable mais qui leur permet d’exister. Les paroles bienfaisantes ne valent que si elles sont accompagnées d’un socle solide, financier, pour leur permettre d’exister. Ne pas se satisfaire est un acte légitime qui permet à toute notre profession de vivre avec dignité de leur métier.
On est super contents… Aucune mesure économique pour le spectacle vivant hors musique…
Oui, l’intermittence c’est bien (même si on attend la réalité de la transcription dans les textes pour voir les détails concernant les nouveaux entrants, les congés maternité et maladie…) mais on aimerait surtout que les équipes artistiques puissent travailler.
Et pour cela il faut des moyens.
Et dans les faits, à l’intérieur du spectacle vivant, pour la danse et le cirque c’est la double peine.
On ne sait pas encore rattraper un trapéziste ou faire du porté acrobatique sans toucher les gens…
Donc impossible de reprendre, et pas un €uro pour tenir.
Non, Stanislas, ce n’est pas satisfaisant. Du tout.
Comment peut on se satisfaire d’annonces faites sans tenir compte de la réalité des métiers…? Aucun représentant du secteur privé (théâtres, cabarets, cirques, cafés théâtres, …), aucunement on ne tient compte des techniciens…! Certes cette année blanche est un petit pas, mais quand on nous parle d’inventer afin de ne pas en avoir besoin, qu’est ce que cela veut dire? Inventer c’est ce que font tous les lieux de création, tous les artistes, tous les acteurs de la culture, depuis toujours. Nous avons besoin de visibilité, quelles seront les règles de réouverture? Quand sera t il possible d’accueillir le public en nombre suffisants pour vivre? (Cf la prise de position de JM Dumontet) Quelles aides au lieux de divertissement, à l’événementiel et à la culture populaire qui font vivre nombre d’artistes et de techniciens (sans parler de l’économie connexe)? Bref, j’ai entendu là un président qui gesticule et file des métaphores mais ne tient pas compte des réalités du terrain. La culture ne se fait pas que dans les théâtres subventionnés, loin de là… Alors on attend une vraie réunion avec les organisations professionnelles : syndicats et groupements d’employeurs et de salariés. Merci
Comment rêver au monde d’après avec ceux qui ont fait le monde d’avant!!!Aucun directeur des théâtres installés (institutionnels) n’aura souffert du confinement contrairement à ceux qui font et fondent le théâtre : le public et les acteurs…Il ne faut pas oublier qu’à une certaine époque le « Nordey »était un degré sur l’échelle de l’ennui au théâtre…Ça continue