Le confinement pour moi est un smartphone et un ordinateur portable qui sont les outils avec lesquels je travaille au quotidien avec mes collaborateur.trice.s du CDN de Sartrouville : les annulations des spectacles et de tournées (notamment une quatrième saison de Réparer les vivants d’après le roman de Maylis de Kerangal avec Vincent Dissez et Joachim Latarjet). Surtout, nous construisons la saison prochaine, avec son lot d’incertitudes, en croisant les doigts pour que ce maudit virus se casse la gueule et que nous puissions nous retrouver tous ensemble…
Livre(s)
Arcadie d’Emmanuelle Bayamack-Tam (chez P.O.L) : mon gros coup de cœur, lu il y a un an, mais qui n’a pas encore trouvé de remplaçant. A la fois caustique et profond. Voici le début du résumé sur le site de son éditeur : La jeune Farah, qui pense être une fille, découvre qu’elle n’a pas tous les attributs attendus, et que son corps tend à se viriliser insensiblement. Syndrome pathologique ? Mutation ou métamorphose fantastique ? Elle se lance dans une grande enquête troublante et hilarante : qu’est-ce qu’être une femme ? Un homme ? Et découvre que personne n’en sait trop rien…
Sinon, les deux tomes du Journal de Jean-Luc Lagarce (aux Solitaires Intempestifs) : on peut l’ouvrir à n’importe quelle page, le laisser, le reprendre et c’est à chaque fois passionnant. On y découvre le destin d’un jeune homme entièrement habité par le théâtre, qui espère avoir un destin et une reconnaissance artistiques, touché trop tôt par une maladie mortelle.
Et enfin, un autre gros bouquin de près de 1000 pages (chez l’éditeur suisse L’Age d’Homme), L’Indifférence et la Curiosité d’André Gintzburger. « Gintz » comme on l’appelait (il est décédé en 2013) était une figure incontournable du théâtre des années 70 et 80, en particulier comme « tourneur », à une époque beaucoup plus artisanale que la nôtre. Sont compilés ici ses carnets de compte-rendus de spectacles de 1960 à 2000. Pas besoin d’avoir vu les spectacles, car sa culture, sa verve, sa drôlerie, sa mauvaise foi et même parfois sa muflerie sont un régal. On voyage dans la mémoire du théâtre comme dans un labyrinthe : là aussi, c’est un bouquin qu’on pose et reprend…
Film(s)
Les Chaussons rouges (1948) de Michael Powell et Emeric Pressburger en replay sur Arte (jusqu’au 31 mai), d’après le conte d’Andersen. Du grand cinéma, qui est une sorte de rêve de théâtre. A voir absolument.
Et toujours sur Arte, le cycle Nanni Moretti.
Série – une seule série, car attention au « binge-watching ».
Years and Years (2019) de Russell T. Davies avec notamment Emma Thompson (sur MyCanal). Une vraie série politique qui suit le destin d’une famille dans un avenir proche, avec la montée des populismes. La force du propos est d’aller loin dans l’égoïsme de chacun des personnages, au point qu’on se demande si le pessimisme ne va pas nous engloutir. Opportunément, la révolte finit pas l’emporter in extremis.
Musique(s)
Je passe ma vie à écouter de la musique, et c’est encore plus facile en télé-travail. Voici ma play-list du moment :
– Fela ! (Original Braoadway Cast Recording) : je viens de découvrir que Broadway avait produit en 2009 une comédie musicale qui raconte la vie de Fela, le roi nigérian de l’Afro-Beat. C’est un peu le mariage de la carpe et du lapin, entre la rugosité et la sauvagerie de Fela et l’entertainement New-Yorkais. Mais ça marche : gros groove, excellents arrangements, belles voix. Un peu kitsch mais ça donne la pêche.
– Toujours pour garder le rythme, Rafi’s Revenge (1998) d’Asian Dub Foundation. L’album culte de ce groupe de jungle. A écouter très fort quand le moral est en berne…
– Heaven and Death (2018) de Kamasi Washington. Entre New-Age, hip-hop et free jazz pour traverser le 21ème siècle dans un vaisseau spatial musical.
Au rayon classique, Schubert Lieder with Orchestra : tous les grands lieds de Schubert arrangés pour orchestre symphonique par Brahms, Berlioz, Webern, magnifiquement interprétés par Anne-Sophie Von Otter et Thomas Quasthoff. Le raffinement du lied magnifié…
Et enfin plus recueilli, le Listz Project de Pierre-Laurent Aimard, qui réunit quelques grandes œuvres pianistiques de Debussy, Messaien, Ravel, …, sous le regard de Listz. On voyage à travers les œuvres sans forcément reconnaître les compositeurs, entre classicisme et modernité, et c’est d’une profondeur rare.
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