Dirigée par Émilie Flacher, la Cie Arnica met la marionnette au service des écritures contemporaines. Avec sa belle mise en scène de Buffles de l’auteur catalan Pau Miró, elle montre combien le mariage des hommes et des objets se prête bien à la fable.
Tout allait bien à la blanchisserie, jusqu’au jour où Max disparaît. Dès lors, tout se dérègle dans la famille qui tient le commerce : la mère va chez le coiffeur et revient avec un nouveau sourire, jusqu’à s’évaporer elle aussi. Le père, lui, s’achète une guitare alors qu’il n’a jamais pris un cours de solfège de sa vie. Pendant des heures, il s’enferme avec dans son atelier où ses cinq enfants ont interdiction d’entrer. Livrés à eux-mêmes, ces derniers tentent de se réconforter en se racontant de mauvaises blagues. Mais le cœur y est d’autant moins que les affaires s’effondrent. Le passé leur apparaît alors comme un âge d’or. « Dans le pré où, petits, nous passions tant d’après-midi : / Au fond les montagnes aux cimes enneigées, / Dans la plaine entourée d’arbres touffus, / On mangeait cette couleur d’or », dit le narrateur. Comme l’indique le titre de la pièce de Pau Miró mise en scène par la Cie Arnica, Buffles, ses protagonistes sont des animaux. Des bovins très spéciaux, pour une fable chorale qui dit beaucoup de l’humain. De ses peurs, et de sa manière de les affronter.
Faite d’un étrange mélange d’homme et de bête, la fratrie de l’auteur célèbre en Catalogne – mais peu connu en France, malgré la publication de ses textes en français, comme du reste la plupart des auteurs de cette région d’Espagne – semblait faite pour la marionnette. Si Pau Miró a lui-même monté Buffles avec une distribution exclusivement humaine, Émilie Flacher a d’emblée perçu le potentiel de cette fable contemporaine pour la discipline qu’elle pratique depuis 1998 à la tête de sa compagnie Arnica, en tant que constructrice et metteure en scène. Toujours à l’affut d’œuvres d’auteurs vivants à partager par le jeu et l’objet pour « mettre en pensée, en mouvement, en imaginaire » et « rendre compte d’un regard sur le monde », elle en traduit toute la singularité, tout l’absurde, grâce à son vocabulaire hybride. Adjectif qui sied aussi aux buffles de Pau Miró, qui mâchent des herbes et des branches tout en diffusant de la musique classique dans leur blanchisserie.
Les six interprètes-manipulateurs de la pièce – Guillaume Clausse, Claire-Marie Daveau, Agnès Oudot, Jean-Baptiste Saunier et Pierre Tallaron – sont tantôt extérieurs au drame de la famille buffle, tantôt pleinement embarqués dedans. En donnant vie à des animaux de bois, de peau et d’osier à quatre, à deux pattes ou encore à des masques, ils déplacent l’anthropomorphisme du texte vers une étrangeté dont la forme ne cesse d’évoluer. De même que la scène, où des morceaux mobiles de blanchisserie miniature sont régulièrement déplacés par les acteurs pour esquisser divers espaces, divers paysages. L’entre-deux de Buffles, sa poétique qui tient autant du conte que de l’hyper-réalisme, se double ainsi d’une dimension supplémentaire : celle du théâtre, avec ses femmes, ses hommes et sa logique propre. Avec son plaisir du jeu, auquel la fable permet de s’aventurer aussi bien sur des sentiers quasi-carnavalesques que naturalistes.
La colère qui naît progressivement chez les enfants buffles, leur découverte des lions qui rôdent dans la ville et du pacte que leur père a passé avec eux, est portée par les six acteurs comme une partition polyphonique d’où des voix individuelles s’élèvent parfois. Si le conte n’est situé ni dans le monde ni dans le temps, on en perçoit ainsi clairement la portée métaphorique. On devine par exemple que ce n’est pas pour rien que dans ce texte écrit dans un quartier populaire de Barcelone en 2008, en pleine crise économique, la blanchisserie connaisse une phase critique. Mais dans cette pièce destinée à tous, avec une pensée particulière aux adolescents, l’imagination est sans cesse sollicitée : Buffles peut ainsi courir parmi nous, aussi bien que très loin.
Pour la Cie Arnica, elle est aussi le point de départ d’un cycle consacré à la fable contemporaine. Afin de continuer d’interroger « les liens, les relations humaines, animales avec leur environnement au sens large », Émilie Flacher a en effet créé des formes marionnettiques courtes à partir de textes commandés à des auteurs contemporains : Anaïs Vaugelade pour L’Agneau a menti, Julie Aminthe pour Les Acrobates, et bientôt Gwendoline Soublin pour une pièce dont le titre est encore inconnu. La famille de Buffles est déjà nombreuse, et a toutes les chances de s’agrandir encore.
Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr
Buffles
De Pau Miró
Traduction : Clarice Plasteig dit Cassou (Editions Espaces 34)
Mise en scène : Emilie Flacher
Dramaturgie : Julie Sermon
Direction d’acteurs : Thierry Bordereau
Acteurs marionnettistes : Guillaume Clausse, Claire-Marie Daveau, Agnès Oudot,
Jean-Baptiste Saunier, Pierre TallaronMarionnettes et univers plastique : Emilie Flacher, Emmeline Beaussier, Florie Bel
Création sonore : Emilie Mousset
Création lumière : Julie-Lola Lanteri
Scénographie : Stéphanie Mathieu
Construction : Pierre Josserand, Clément Kaminski
Costumes : Florie Bel
Régie générale : Pierre Josserand
Passeur de savoirs : Pascal Ainardi
Merci à Cloé Brevet, Andréa Brujère, Annie Chocque, Kenza Dugua-Arblade, Marion Flacher, Siham Jebbari, Attila Kaminski, Lou Legoaër, Béatrice Morin, Annie Rostagnat, Laurence Seguin, Rose Taleb, Lola Tchangodei, Aurélie Tournoud et Yonca Uslu
Production : Compagnie ARNICA
Co-production :Théâtre de Bourg-en-Bresse, Maison des Arts du Léman-Thonon-Evian, Scène Nationale de Sète et du Bassin de Thau, Théâtre Jean Vilar de Bourgoin-Jallieu, La Mouche-Espace Culturel Saint Genis de Laval. Buffles bénéficie de la coproduction Groupe des 20 -Scènes publiques Région Auvergne-Rhône-Alpes, de l’aide à la création de l’ADAMI et de l’aide à la création du Conseil Départemental de l’Ain.
Partenaires de production : Am Stram Gram de Genève, L’Espace 600 de Grenoble, Le Train Théâtre-Portes-Lès-Valence, le Centre Culturel Pablo Picasso-Homécourt, Le Polaris-Corbas, le Dôme Théâtre-Albertville, Théâtre de Villefranche-sur-Saône.
Durée : 1h15
Le Mouffetard
12 au 23 janvier 2022
Spectacle chiant et insipide.
Des marionnettes ? Où ça?
Des marionnettistes ? Où ça ?
L’art de la marionnette c’est donner l’illusion de la vie à une poupée. Là rien.
Le thème ? Le texte ? Où est le fantastique, la nouveauté qui donne envie d’y croire ?
Des aventures humaines ordinaires vécues par une famille de buffles. Quel scoop !
Bref on attend la fin, en observant ça et là dans la salle des spectateurs infantiles qui retirent leur masques.