Dans Big Sisters, Théo Mercier et Steven Michel inventent un rituel de sexe et de sang pour sonner l’avènement d’un nouveau monde féminin et guerrier.
Après le succès international de la pièce Affordable Solution for Better Living, dystopie génialement insolite où se dénonçait, à partir de la construction sur scène d’un meuble Ikéa, le caractère standardisé et lénifiant de nos existences, la question d’un univers normalisé et aliénant continue de hanter l’œuvre commune du plasticien et metteur en scène Théo Mercier et du danseur et chorégraphe Steven Michel. Dans Big Sisters, celle-ci s’axe cette fois sur la conquête par les femmes d’une place dans le monde. Inspirée de la figure littéraire et féministe Monique Witting, autrice du roman Les Guérillères paru à la fin des années 1960 aux Editions de Minuit, le spectacle est conçu comme un rite légendaire où, armées de lames tranchantes et de leurs muscles incisifs et acérés, quatre femmes aux silhouettes d’abord corsetées, vêtues à la mode évangélique rappelant les puritaines d’un siècle passé, mais bientôt libérées de leurs lourds oripeaux, jambes, bras et poitrines offertes dénudées, quatre femmes représentant tous les âges de la vie, combattives et combattantes, s’avancent en horde et en ordre sur le champ de bataille pour affirmer, revendiquer, imposer, sans discours mais par la force, la primauté de leur sexe et de leur désir.
Une des danseuses s’étant blessée lors de la première représentation donnée au Centre Pompidou, Steven Michel a pris sa place et a relayé la carapace factice de l’homme bodybuildé et aseptisé qu’il jouait dans Affordable solution… pour endosser la robe austère d’une jeune fille amazone prête à en découdre avec la domination masculine.
La distribution originelle exclusivement féminine comme l’utilisation des couleurs rouge et noir, des symboles stylisés, la dimension picturale des tableaux scéniques proposés, la projection de mots sur le mur du fond, la gradation ascendante vers la transe sont autant d’éléments qui flirtent avec l’esthétique d’une récente création de Romeo Castellucci, Democraty in America, conçue d’après Tocqueville. La référence est trop évidente pour ne pas être soulignée. Mais Big Sisters se présente avec moins de mystère et de magie énigmatiques. Son propos paraît sans doute trop explicite et univoque.
Dans la semi-obscurité d’une nuit de sabbat, c’est un étrange rituel sauvage oscillant entre cérémonial archaïque et science-fiction, que nous invite à contempler Laura Belgrano, Lili Buvat, Marie de Corte et Mimi Wascher, nourries de férocité et de fantasmes. Les frontières se brouillent entre puissante sensualité et vindicative combativité intimement mêlées, au point que les corps s’attirent et se violentent en un même geste. Abreuvée d’une étrange figure aux seins flasques mais nourriciers qui renvoie à la louve antique, la communauté portera son offensive belliqueuse à son point d’acmé sur un plateau maculé de sang où se livre une transe orgiaque prompte à voir se libérer des pulsions aussi destructrices que tentatrices.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Big sisters
conception, chorégraphie et scénographie Théo Mercier, Steven Michel
avec Laura Belgrano, Lili Buvat, Marie De Corte, Mimi Wascher
texte Jonathan Drillet
création sonore Pierre Desprats
création lumière Eric Soyer
création vidéo Thomas James
costumes Valérie Hellebaut
régie générale François Bouletproduction Nanterre-Amandiers, Centre dramatique national
avec le soutien de la Fondation d’entreprise Hermès dans le cadre de son programme New Settings
coproduction Bonlieu scène nationale Annecy, Théâtre Vidy-Lausanne, Maison de la culture d’Amiens, C-TAKT, platform transdisciplinair talent, Théâtre Saint-Gervais, La Soufflerie-Rezé (en cours)
La diffusion du spectacle est assurée par ART HAPPENS et Nanterre-Amandiers, centre dramatique national
avec le soutien de La Région Ile-de-France, Forum Culturel Autrichien
La Ménagerie de Verre (accueil en résidence), apap – Performing Europe 2020, cofinancé par le programme Europe créative de l’Union européenne, la SPEDIDAM (société de perception et de distribution qui gère les droits des artistes interprètes en matière d’enregistrement, de diffusion et de réutilisation des prestations enregistrées)Théo Mercier est artiste associé à Bonlieu Scène nationale Annecy depuis 2017
Durée : 1h
Actoral-Festival international des arts & des écritures contemporaines, Marseille
1–2 octobre 2020
Centre Pompidou, Paris dans le cadre de la saison de Nanterre-Amandiers
Du mercredi 21 octobre au samedi 24 octobre à 18h30 (au lieu de 20h30) sortie 19h30
Dimanche 25 octobre à 17h (horaire inchangé) / sortie 18h
Le Triangle, Rennes
13-14 novembre 2020
La Soufflerie, Rezé
18 novembre 2020
Le Maillon, Strasbourg
26-27 novembre 2020
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