De belles voix, de beaux décors, c’est une Manon « bon chic bon genre » que propose l’Opéra de Paris dans une nouvelle mise en scène qui tend à minorer la dimension sulfureuse de l’héroïne de Massenet.
C’est peu dire que, théâtralement, pour un ouvrage comme Manon, on préfère les licencieuses coquineries d’un Olivier Py (à l’Opéra-Comique la saison dernière) aux minauderies insipides d’un Vincent Huguet dont le travail certes soigné manque à l’évidence de sensualisme et de frivolité. Manon la rêveuse, la dévoreuse, l’aventureuse, mérite traitement moins timoré et beaucoup plus enflammé, plus émancipé, que celui proposé sur la scène de la Bastille tant tout y paraît un brin trop poli et policé.
Si le charme opère, assurément, on le doit davantage à ses interprètes principaux. C’est un duo de rêve que forment Pretty Yende et Benjamin Bernheim à nouveau réunis après une Traviata largement plus tournée vers la modernité scénique. Les deux chanteurs ont totalement enthousiasmé de présence et d’assurance. On retiendra de la soprane une éclatante virtuosité ainsi que de belles facilités, et du ténor la pleine possession de moyens vocaux éblouissants. A leurs côtés, Ludovic Tézier campe un Lescaut volontiers imposant et affectueux.
Tout est luxueusement élégant et raffiné dans la mise en scène qui leur sert d’écrin Art Déco et la splendeur visuelle de l’ensemble fait au moins oublier l’informe fatras esthétique imposé par Coline Serreau dans la dernière production entrée au répertoire de la maison. Mais même vivifié par les interventions dansées façon charleston qui convoquent gentiment l’effervescence du Paris des années folles et mentionnent entre autres références la figure de Josephine Baker et les revues nègres, l’ensemble paraît convenu, dépassionné.
En cause, le chef Dan Ettinger qui trop souvent privilégie l’opulence sonore au détriment de la subtilité. Appuyée, sa direction est aussi d’une lenteur exaspérante. Les nombreux ralentissements se justifient éventuellement lorsqu’ils soulignent l’abattement d’une Manon désenchantée dans son bouleversant « Adieu, notre petite table » mais ne trouvent aucune pertinence à priver de son éclat l’habituellement grisant « Je marche sur tous les chemin » au cours duquel la jeunesse célébrée croule avant l’heure sous une pesanteur affligée. Deux inutiles entractes plutôt qu’un ne font que renforcer l’engourdissement de la soirée.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr – critique lors de la création en 2020
Manon
Opéra comique en cinq actes et six tableaux
D’après le roman de l’abbé Prévost – 1884Musique :
Jules MassenetLivret :
Henri Meilhac
Philippe GilleDirection musicale :
Dan EttingerMise en scène :
Vincent HuguetDécors :
Aurélie MaestreCostumes :
Clémence PernoudLumières :
Bertrand CoudercChorégraphie :
Jean-François KesslerDramaturgie :
Louis GeislerChef des Choeurs :
José Luis BassoOrchestre et Choeurs de l’Opéra national de Paris
Distribution de la création 2020
Manon :
Pretty Yende
(29 fév., 4, 10, 17, 25, 31 mars, 3, 7, 10 avr.)Sofia Fomina
(7, 13, 22, 28 mars)Le chevalier des Grieux :
enjamin Bernheim(29 fév., 4, 10, 17, 25, 31 mars, 3, 7, 10 avr.)
Stephen Costello
(7, 13, 22, 28 mars)Lescaut :
Ludovic TézierLe comte des Grieux :
Roberto TagliaviniGuillot de Morfontaine :
Rodolphe Briandde Brétigny :
Pierre DoyenPoussette :
Cassandre BerthonJavotte :
Alix Le SauxRosette :
Jeanne IrelandL’hôtelier :
Philippe RouillonDeux gardes :
Julien Joguet
Laurent LaberdesqueDistribution de la reprise 2021
Manon :
Ailyn PérezLe chevalier des Grieux :
Joshua GuerreroLe comte des Grieux :
Jean TeitgenGuillot de Morfontaine :
Rodolphe Briandde Brétigny :
Marc LabonnettePoussette :
Andrea Cueva MolnarLescaut :
Andrzej FilończykJavotte :
Ilanah Lobel-TorresRosette :
Jeanne IrelandL’hôtelier :
Philippe RouillonDeux gardes :
Laurent Laberdesque
Julien JoguetDurée : 2h50 (avec deux entractes)
Opéra Bastille
du 05 au 26 février 2022
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