Metteur en scène de la compagnie Kobal’t, Thibault Perrenoud livre une version contemporaine et preste de la tragédie shakespearienne.
Après Le Misanthrope de Molière en 2012 et La Mouette d’Anton Tchekhov en 2017, Thibault Perrenoud s’attaque pour sa troisième création à Hamlet. Pour l’occasion, le comédien et jeune metteur en scène a commandé une nouvelle version de la pièce de Shakespeare à Clément Camar-Mercier, déjà traducteur de La Mouette – et signataire de la dramaturgie des deux spectacles. Dans cette version de la tragédie, si Hamlet ne cesse bien de se dérober à la vengeance de l’assassinat de son père, le jeune prince se révèle néanmoins un personnage en action.
C’est dans une salle du théâtre de la Bastille à l’espace reconfiguré que les spectateurs prennent place. Fidèle à la tradition du théâtre élisabéthain, la scène est en éperon, soit en tri-frontal, soumettant ainsi le corps des acteurs à tous les regards. Sur le plateau, des tables aux nappes blanches signalent le lieu d’une cérémonie déjà terminée, comme le laissent deviner les quelques reliquats. À une table, un jeune homme (Hamlet) dort affalé, tandis qu’un autre, plus âgé et vêtu de blanc (Hamlet père) observe la scène, assis sur la petite estrade qui accueillait le buffet. À cette première image inhabituelle – dont on comprend qu’il s’agit du repas ayant suivi l’enterrement du père d’Hamlet – succède le déroulé classique de la pièce : au château d’Elseneur dans le royaume du Danemark, Claudius qui vient d’assassiner son frère afin de lui succéder au trône célèbre son mariage avec Gertrude, la reine veuve. Mais le roi mort revient sous la forme d’un spectre, et demande à son fils de le venger. Le prince décide alors de simuler la folie, allant jusqu’à rejeter la jeune Ophélie dont il est le prétendant. Pour confondre Claudius, Hamlet monte avec son ami Horatio une pièce de théâtre, La Souricière, déplaçant dans un autre temps et un autre lieu le crime. Claudius est démasqué, mais Hamlet sombre dans de multiples atermoiements et repousse le moment de la vengeance. Il faudra d’autres morts – le suicide d’Ophélie, les meurtres de son père Polonius, de son frère Laërte et de la reine Gertrude – et divers rebondissements pour qu’Hamlet s’exécute enfin, avant de mourir à son tour.
Mise en scène énergiquement par Thibault Perrenoud, l’ensemble se déplie en trois temps distincts, amenant à chaque fois une reconfiguration spécifique de l’espace scénique. Après les cérémonies d’enterrement et de mariage vient le théâtre dans le théâtre, puis l’enterrement d’Ophélie suivi des autres morts en cascade. Tout en prenant acte avec intelligence de la structure de la pièce et de son contexte d’écriture – en renouant avec l’encerclement des acteurs par les spectateurs tel que le proposait les salles du théâtre élisabéthain – le spectacle opte, par ailleurs, pour une vision contemporaine. Cela dans les costumes, les musiques, les décors, les références. La proximité induite par le dispositif et ces choix d’artifices est renforcée autant par la langue alerte et concrète de Clément Camar-Mercier, le jeu énergique des comédiens, ainsi que par l’inclusion des spectateurs dans les intrigues fomentées par Hamlet.
Si l’ensemble cède parfois au spectaculaire ou au désir de plaire et si les acteurs se laissent de temps à autre aller à un jeu trop en force en s’époumonant plus que de raison, Thibault Perrenoud (incarnant Hamlet) et son équipe livrent une version équilibrée et maîtrisée de la pièce, se baladant dans tous les registres, de la farce à la tragédie. Par sa distribution resserrée toute particulière – Gertrude et Ophélie sont jouées par la même comédienne (Aurore Paris) ; Hamlet père et Claudius par Pierre-Stefan Montagnier ; et Polonius et son fils Laërte par (l’excellent) Mathieu Boisliveau –, l’adaptation ajoute du trouble dans le conflit œdipien. Et quoique peinant à mettre sa vengeance à exécution, le prince Hamlet traverse ce conflit intérieur en mouvement, orchestrant jusqu’à la fin l’action.
Caroline Châtelet – www.sceneweb.fr
Hamlet
de Shakespeare
nouvelle traduction, adaptation et dramaturgie Clément Camar-Mercier</strong
création collective
mise en scène Thibault Perrenoud
collaboration artistique Mathieu Boisliveau
scénographie Jean Perrenoud
costumes Emmanuelle Thomas
création lumières et régie générale Xavier Duthu
construction Franck Lagaroje
création son Emile Wacquiez
régie son et plateau Raphaël Barani
regard extérieur Guillaume Séverac-Schmitz
photos répétitions Gilles Le Maoavec Mathieu Boisliveau, Pierre-Stefan Montagnier, Guillaume Motte, Aurore Paris, Thibault Perrenoud
coproduction compagnie Kobal’t, le Théâtre de la Bastille-Paris, la Halle aux Grains-scène nationale de Blois, la Passerelle-scène nationale de Gap, le POC d’Alfortville, le Théâtre d’Arles, la scène 61-scène nationale Flers-Alençon
avec le soutien de la Scène Watteau-Nogent-sur-Marne et de la MAC de Créteil
avec l’aide du Département du Val-de-Marne et du Conseil Régional d’Ile-de-France.Durée 2h10
12 novembre 2021 – Théâtre des Sources, Fontenay-aux-Roses
16 au 19 novembre 2021 – Théâtre de Cornouailles – Scène nationale de Quimper
24 et 25 novembre 2021 – La Piscine – Théâtre de Châtenay-Malabry
02 décembre 2021 – Théâtre de Bressuire
07 au 09 décembre 2021 – MCB, Scène nationale de Bourges
16 décembre 2021 – Théâtre Romain Rolland, Villejuif
20 au 29 janvier 2022 – Théâtre de la Croix Rousse, Lyon
01 février 2022 – Le Dôme, Albertville
03 février 2022 – L’Auditorium Seynod
08 au 10 février 2022 – Théâtre de la Coupe d’Or, Rochefort
30 et 31 mars 2022 – Théâtre 71 – Scène nationale de Malakoff
05 et 06 avril 2022 – Théâtre d’Aurillac
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