Avec un humour explosif, la pièce de Gabriel Calderón mise en scène par Sandrine Attard, s’amuse à recomposer pour mieux déconstruire les membres d’une famille en état de crise.
A la lecture d’un titre aussi offensif que réjouissant, on ne pouvait attendre qu’une petite bombe théâtrale. Et, en effet, Que crèvent tous les protagonistes est l’oeuvre d’un jeune dramaturge qu’Adel Hakim a fait découvrir en France, déjà signataire d’une quinzaine de textes, tous plus déroutants et délirants les uns que les autres. Qualifié d’ «enfant terrible du théâtre uruguayen », Gabriel Calderón fait fi de toute bienséance, de toute bien-pensance, pour délibérément lever les tabous de la société et les non-dits qui les permettent. Adepte d’une forme libre et éclatée, sûrement inspirée du cinéma et flirtant avec le théâtre de boulevard et de l’absurde dont il tire et pervertit les ficelles, l’auteur a pour particularité de traiter d’une manière dérisoire et amusée un propos terriblement dramatique et violent, ici, les répercussions de la dictature militaire et des conflits socio-politiques qui agitent l’histoire individuelle et collective de plusieurs générations croquées dans l’univers clos d’un salon – salle à manger, un soir de Noël. Le sapin clignote dans le coin d’un espace blanc, la table est dressée mais l’ambiance n’est semble-t-il pas à la fête. Grâce à l’invention surréaliste d’une machine à remonter le temps, un jeune homme que tout le monde prend pour un crétin, veut prouver tout l’amour qu’il porte à sa compagne Ana en conviant les morts de sa famille le temps d’un improbable réveillon.
Ils boivent, ils gueulent, se déchirent. Tout s’emballe et dérape dans la mise en scène trépidante car pleine de vie et de loufoquerie que signe Sandrine Attard en démontrant un plaisir évident à dessiner des personnages d’écorchés vifs débridés. Elle offre des partitions géniales à des comédiens dotés de forts tempéraments comiques sans pour autant chercher à lisser leur part de monstruosité. Le spectacle exalte donc les talents d’une troupe au diapason : Maël Besnard, Aymeric Lecerf, Marion Malenfant, Florence Muller, Grégoire Oestermann, Paul Emile Pêtre et Elisabeth Tamaris pris dans la mécanique infernale d’une pièce qui ne l’est pas moins. Il faut se laisser embarquer dans cette oeuvre-labyrinthe à l’intrigue abracadabrantesque, accepter de ne pas immédiatement comprendre ce qui ne se dit que par bribes, se laisser porter par ses allers-retours temporels et ses zones d’ombre. Mais quelle expérience salvatrice que celle d’un rire franchement libérateur au service d’un propos qui jamais ne perd de vue la nécessaire mais difficile quête de bonheur et de vérité pour tout un chacun.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
QUE CRÈVENT TOUS LES PROTAGONISTES
TRAGI-COMEDIE FANTASTIQUE
de Gabriel Calderón
Editions Acte Sud Papiers
MISE EN SCENE
Sandrine Attard
AVEC
Mael Besnard,
Aymeric Lecerf,
Marion Malenfant,
Florence Muller,
Grégoire Oestermann,
Paul Emile Pêtre,
Elisabeth TamarisFrançoise Thanas Traduction
Gaëlle Fernandez Bravo Collaboration artistique
Frédéric Rebuffat Scénographie et Costumes
Olivier Oudiou Créateur lumières
Vincent Dupuy Créateur sonProduction :
Le Temps des possibles. Avec le soutien de l’ADAMI, de la Mairie de Paris, de la Spedidam. Avec la participation artistique du Jeune Théâtre National.
Résidence de création au Théâtre 13 Seine à Paris et au Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne.
Remerciements à Stéphane Braunschweig pour le prêt du Studio Gémier de l’Odéon-Théâtre de l’Europe.Durée : 1h40
Création au Théâtre 13 Seine à Paris
mardi 5 > dimanche 24 novembre 2019
du mardi au samedi à 20h – dimanche 16h
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