Dans La Conférence des objets écrit et mis en scène par Christine Montalbetti pour cinq acteurs de la Comédie-Française, les objets du quotidien prennent vie. Ils révèlent avec finesse leurs pensées secrètes, leurs envies. Mais demeurent un peu trop sages pour vraiment bouleverser les points de vue.
Dans l’œuvre romanesque de Christine Montalbetti, les objets ont souvent une drôle de vie. Dans Trouville Casino (2018) par exemple, raconte-t-elle dans le livret du spectacle, « le protagoniste se met à vivre dans une maison qui n’est pas la sienne et dont il a le sentiment qu’elle ne l’accepte pas, que les meubles manifestent une hostilité à son égard ». Et dans L’Évaporation du monde (2011), « les objets avaient tendance à s’animer, surtout la nuit. On était dans le Japon ancien, et dans cette maison j’avais semé quelques yokaï », créatures surnaturelles issues du folklore japonais. Mais les choses n’étaient pas jusque-là au cœur de l’intrigue ; elles le deviennent dans La Conférence des objets, avec laquelle l’auteure fait ses premiers pas dans la mise en scène au Studio de la Comédie-Française.
Dès qu’il fait son entrée sur le plateau décoré en petit salon cossu (scénographie d’Eric Ruf), un peu vieillot, Hervé Pierre expose le parti-pris de l’auteure. Un parti-pris au plus près des choses, qui fait d’emblée songer au fameux recueil de Francis Ponge. Le comédien nous enjoint à être attentif aux sièges qui supportent notre poids, et au sol sur lequel reposent nos « chaussures pas très propres ». Il espère, dit-il, qu’en sortant du théâtre, nous saurons nous montrer un peu plus doux envers les objets qui nous entourent. Car il ne faut pas se fier à leur immobilité : dans l’univers de Christine Montalbetti, tout ce qui nous entoure a une âme, une pensée. Y compris les meubles et bibelots dont on décore nos appartements.
Une fois rempli son rôle de prologue, Hervé Pierre se glisse dans la peau et dans la tête d’un pèle-pommes anxieux de n’être qu’un gadget. « J’ai été fasciné par la perfection technique du pèle-pommes, j’ai confié cet enthousiasme à Christine qui en a inventé l’histoire, qui lui en a inventé l’histoire », explique le comédien. L’auteure a procédé de la même manière avec les quatre autres interprètes de la pièce. Claude Mathieu, la doyenne de la troupe de la Comédie-Française, devient ainsi une boîte à couture prête à remédier à tous les incidents textiles. Bakary Sangaré est un gri-gri, un œil-de-tigre qui aurait rêvé d’être une grosse pierre – « En bavardant avec Christine, je me suis rappelé une grosse pierre à l’entrée de mon village. Elle dégage force et douceur à la fois », dit-il. Pierre Louis-Calixte est quant à lui un parapluie fidèle, et Anna Cervinka une lampe qui hésite entre révolte et soumission.
Pour incarner leurs objets fétiches, les comédiens adoptent une adresse proche de celle du conte. Ils s’emparent avec justesse de la langue précise et vive que l’auteure a imaginée pour eux. Mais ils se retrouvent assez vite confrontés aux limites du texte qui, fait d’une succession de monologues justifiés par la seule attente de la propriétaire de la maison, offre peu de situations vraiment théâtrales. En l’absence d’un fil narratif solide, ou du moins d’une progression dramatique, La Conférence des choses peine à s’élever au-delà de l’anecdote et du procédé d’écriture. De plus, malgré quelques velléités de soulèvement, les objets de Christine Montalbetti demeurent bien sérieux. Davantage de folie, d’audace dans le jeu aurait sans doute permis à la pièce de gagner en profondeur, en ampleur.
Anaïs Heluin – www.sceenweb.fr
La Conférence des objets
Mise en scène et costumes : Christine Montalbetti
Scénographie : Éric Ruf
Lumières : Catherine Verheyde
Collaboration artistique : Gilles Kneusé
Avec : Claude Mathieu, Hervé Pierre, Bakary Sangaré, Pierre Louis-Calixte, Anna Cervinka
Durée : 1h
Studio Théâtre de la Comédie-Française
DU 28 NOVEMBRE 2019 AU 5 JANVIER 2020
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