Du 1er au 20 octobre, Pippo Delbono présente La Gioia (La Joie) au Théâtre du Rond-Point. Ce spectacle, créé l’année dernière à Bologne, se veut une ode à la vie, une explosion de gaîté exaltée. Nous en avons profité pour questionner Pippo Delbono sur son rapport à la culture et à la politique en Italie, son pays et la France où il travaille régulièrement.
Qu’est-ce qu’un spectacle appelé La Gioia peut raconter du monde triste et sous tension dans lequel nous vivons ?
Souvent, très souvent, le mot joie est lié au mot divertissement, au mot passe-temps, à quelque chose qui n’a rien à voir avec une manière profonde de se mettre en rapport avec la vie. Je pense que le mot joie est lié au mot douleur, lié au mot lutte, lié au mot résistance.
Le spectacle La Gioia pourrait aussi s’appeler Un chemin vers la joie. Bien sûr, ce qu’il se passe maintenant dans mon pays (malgré que maintenant on a eu un changement politique qui peut donner un peu d’espoir dans l’évolution des choses) a installé enfermement, intolérance et racisme. Je me souviens d’une phrase de Che Guevara que j’avais lue à Cuba qui disait : « Une grande révolution ne peut naître que d’un grand sentiment d’amour ». On peut, peut-être, remplacer le mot joie par cet amour-là.
Avec les tumultes politiques que connait l’Italie, observez-vous un changement dans la création italienne ?
Je ne vois pas encore de grands changements parce que les structures sont restées longtemps figées, mais le changement politique de ces derniers mois peut donner de l’espoir dans le champ culturel. C’est un changement où la droite a perdu de la force et le parti de la gauche et les « cinq étoiles » se sont réunis dans une coalition, en laissant tomber heureusement les fascismes qui étaient en train d’arriver. Bien que la droite soit encore très populaire. Il faudra changer notre regard pour arriver à apporter une proposition politique à l’avenir. Ce sera à la culture, si elle est capable, d’ouvrir les yeux.
Est-ce que les troubles politiques italiens et plus généralement européens vous conduisent, en tant qu’artiste, à créer différemment ? Ou bien vous avez traversé suffisamment d’époques pour être moins en prise au monde extérieur ?
En tant qu’artiste, on est toujours dans une relation de « contamination » avec le monde extérieur. Il est donc inévitable qu’on soit influencé. On ne peut pas faire une scission avec son milieu, son environnement, son monde.
Vous travaillez dans le monde entier et souvent en France. Est-il plus facile de travailler en France qu’en Italie aujourd’hui ? Pourquoi ?
La France a une histoire culturelle profonde ; le moment de la décentralisation culturelle, théâtrale, qui a apporté le théâtre en province, un théâtre différent, un théâtre fait aussi de danse et de musique. En Italie par contre, et d’autant plus dans les petites villes, les programmations des théâtres sont toujours faites presque seulement de spectacles traditionnels. Mais ma compagnie et moi, nous sommes programmés aussi dans ces théâtres officiels, traditionnels, et c’est important parce-que on amène un langage différent à l’intérieur des saisons « conventionnelles ».
Qu’est-ce que vous aimez dans chaque pays dans lesquels vous travaillez ? Qu’aimez-vous du monde artistique italien aujourd’hui, qu’aimez-vous du monde artistique français aujourd’hui ?
De l’Amérique Latine j’aime la liberté du regard. J’aime de la Suisse et de la Belgique un regard sans règles. J’aime de la Russie un peuple cultivé mais qui sait se surprendre. Tout comme en France ! J’aime de l’Espagne la locura. Du Portugal l’humilité du regard. De l’Asie la douceur du regard. L’Italie est un pays plein de créativité, mais souvent on ne lui laisse pas la place pour la faire émerger.
Qu’est-ce qui vous rend heureux ? Dans le sens où, les jours où vous avez moins envie, qu’est-ce qui vous redonne envie de vivre ?
Quelque chose qui me fait penser à une harmonie qui malgré tout existe dans le cosmos. Où les choses vont de l’avant malgré les bourrasques, les tempêtes, les cataclysmes. Où il y a toujours un soleil derrière les nuages, même quand ils sont si noirs.
Propos recueillis par Hadrien Volle – www.sceneweb.fr
Voir aussi : La Gioia de Pippo Delbono, à partir du 1er octobre au Théâtre du Rond-Point
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