Le metteur en scène Yves-Noël Genod développe un théâtre dont on aurait enlevé le drame, l’action et dont il ne resterait que la poésie, le fantôme, la trace. Pour le Carreau du Temple, il créera une performance pour une centaine de danseurs amateurs dans la Halle dénuée de tout artifice.
Performer, danseur, chanteur, chorégraphe, metteur en scène et auteur parmi les plus prolifiques et atypiques de la scène française, Yves-Noël Genod se saisit de l’immensité de la Halle du Carreau du Temple pour y créer, avec une centaine de participants sans expérience ou très expérimentés, un spectacle minimaliste de danse à l’échelle démesurée d’un rêve.
« Fabriquer des spectacles est un rêve de toutes mes nuits. Je voudrais que nous réalisions un spectacle ensemble. Ce spectacle hors de nos rêves, je voudrais qu’il ait lieu dans — et qu’il naisse aussi de la Grande Halle du Carreau du Temple comme si elle était ce qu’elle est : la matrice d’une architecture à l’état vacant, disponible comme un poème. Cette Grande Halle m’a été prêtée en juin 2019 pour deux ou trois répétitions avant un départ au Brésil et ça a été une évidence : s’il y a spectacle au Carreau du Temple, ce sera dans ces 1 800 m2 en lumière du jour. Il faudrait être seul — et chacun — et tous — capable de se baigner dans le « sentiment océanique du monde » 1. Nous sommes des babouins, dit le philosophe 2, il ne nous faut que le paradis. Quelque gazon de territoire. Il nous faut nous toucher, nous épouiller car on dit qu’à nous isoler nous perdons de notre intelligence. Il faudrait des danseurs avec la capacité de contaminer les foules : la virtuosité artistique que je recherche, c’est toujours celle qui se mélange. Comment disait le Président ? « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Eh bien, nous traverserons cette gare avec allégresse et légèreté parce que nous pensons, nous, que personne n’est vraiment quelque chose — ou si peu.
Il y a une très belle phrase de la chanteuse Barbara. Dans une interview, on lui parle de son talent et elle s’exclame : « Mais qu’est-ce que c’est que le talent ? Est-ce que ce n’est pas entrer en scène et sourire ? » Voilà, en fin de compte, il n’y a pas de spectacle. Le succès, l’échec deviennent notions très relatives. Vous connaissez peut-être cette blague juive, je vous la raconte : les cinq plus grands génies de l’Humanité sont juifs ; Moïse a dit : « Tout est loi », Jésus a dit : « Tout est amour », Marx a dit : « Tout est argent », Freud a dit : « Tout est sexe » et Einstein a dit : « Tout est relatif ! ». C’est une aventure qu’il nous faut promettre. De reterritorialisation de la solitude déchirante. Poème du lieu. Je ne maîtriserai pas ce qui va se passer. Non-maîtrise de ce qui va se passer. C’est tout ce qu’on se souhaite profondément dans la vie, vivre le réel, l’experiment, plutôt que, par exemple, cette manipulation des réseaux dits sociaux. Babouins, nous n’avons pas dit le dernier mot. »
Yves-Noël Genod
1 Le sentiment océanique est une notion psychologique ou spirituelle formulée par Romain Rolland qui se rapporte à l’impression ou à la volonté de se ressentir en unité avec l’univers (ou avec ce qui est « plus grand que soi »).
2 Bruno Latour dans Libération du 13 mai 2020
Concept et chorégraphie : Yves-Noël Genod
Production : Le Dispariteur
Carreau du Temple
SAMEDI 30 ET DIMANCHE 31 JANVIER 2021
En partenariat avec Micadanses / festival Faits d’hiver
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