Passé par le Théâtre La Flèche la saison dernière, ce premier seul en scène prend son envol depuis la rentrée à la Piccola Scala. Aux manettes de cette improbable quête de bonheur, Xavier Guelfi, gueule d’ange et dégaine juvénile, y déploie une jolie palette de jeu autant qu’un humour trempé dans le goût des mots. Brasser de l’air et s’envoler mise sur la candeur et la légèreté. Tout simplement charmant.
Un titre qui prête à rire et à promesses, et un décor résolument limité : un fauteuil gonflable transparent à cour, tandis qu’à jardin une machine à laver surmontée de matériel de cuisine complète le tableau ménager autant que l’incongruité du mobilier. Pour son premier seul en scène, Xavier Guelfi, comédien remarqué dans la dernière création de Bertrand de Roffignac, Le Grand Œuvre de René Obscur, joue la carte du disparate. En polo et baskets, visage juvénile et lunaire, cheveux en bataille, il démarre son spectacle à tu et à toi, et se lance d’emblée dans la fabrication d’un smoothie à la carotte, histoire de booster son énergie et de se mettre dans le bain. Car ce qui l’attend nécessite forcément de se retrousser les manches, notre hôte se proposant de sauver le monde. Rien que ça. Ambition qui passerait pour de la prétention, si ce n’est la dégaine déboussolée du préposé, son air ahuri et mal assuré, et cette façon, toujours, de donner l’impression de marcher sur des œufs tout en sautant du coq à l’âne. Sauf que la tenue du super-héros, il ne l’a pas, ni les pouvoirs d’ailleurs, mais il lui reste l’humour et la jugeote. À quoi on peut ajouter les amis, la famille, les lectures et les conseils roboratifs d’un oncle alcoolique aux éclairs de bon sens.
Pour ses premiers pas en solo, Xavier Guelfi a écrit un spectacle qui lui ressemble, farci de pépites et de maladresses, de digressions et de références, un spectacle éclaté comme une météorite dans le cosmos, voguant au gré des courants, des associations d’idées et des sujets qui lui tiennent à cœur. Il y a mis ses préoccupations autant que son goût des jeux de mots, une bonne dose de candeur et un savant mélange d’anxiété ultra-contemporaine et de naïveté charmante. Notre sauveur en herbe veut bien faire, il cherche et il se perd, il voudrait bien avancer sans se tromper, mais c’est peine perdue, et il s’égare dans les méandres de son cerveau en surchauffe. Plutôt que de suivre l’autoroute de la pensée manufacturée, il choisit les chemins buissonniers qui tâtonnent et s’étonne de retomber sur ses pieds, même après une séance de vol clouée au sol.
Ce solo léger, sans prétention, à l’humour discret, aime les changements de ton et de direction, faire parler les animaux comme La Fontaine, résumer l’origine du monde en une poignée de secondes, et préfère, au fond, les questions aux réponses, car le plaisir est dans la quête. Peu importe les solutions, la tentative devient ici prise de risque drolatique, acte héroïque miniature, utopie hypothétique. Avec son allure de clown céleste et sa façon bien à lui d’être funambule, Xavier Guelfi remet au goût du jour les vertus de l’optimisme et prône l’enthousiasme comme antidote possible aux malaises de nos civilisations, à la morosité qui nous embourbe, au poids du désespoir et des problèmes qui nous écrasent. Et ne baisse pas les bras. Au contraire. Il met en partage ses interrogations, ses doutes et ses contradictions. Comment déployer ses ailes ? Comment s’offrir un avenir enviable ? Comment s’alléger les hémisphères ?
Brasser de l’air et s’envoler embrasse nos complexités et notre sentiment d’impuissance pour mieux nous réconcilier les uns avec les autres et, avant tout, avec nous-mêmes. Xavier Guelfi s’y révèle Arlequin des temps modernes. Il campe une figure angélique drôle et attachante, un poète doux rêveur qui, à force de se triturer les méninges pour sortir du marasme, choisit définitivement son camp : celui de celles et ceux qui préfèrent voir la vie en rose plutôt qu’en noir, en espérant qu’à force d’y croire, la balance penche dans le bon sens. Et la machine à laver de lancer son programme vidéo avec essorage, comme un hommage, en images, à tout ce qui fait notre humanité.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Brasser de l’air et s’envoler
de et avec Xavier Guelfi
Mise en scène François Rollin
Avec la participation de Thomas VDB
Collaboration Juliette Bayi
Création lumière Quentin Maudet
Scénographie Laura ThavenotDurée : 1h10
La Scala Paris
jusqu’au 4 janvier 2025, puis du 4 mai au 9 juin
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