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Vincent Dissez, « comme un mort revenu parmi les vivants »

À la une, Coup de coeur, Les critiques, Sartrouville, Théâtre
Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Dans Un jour, je reviendrai, Sylvain Maurice rassemble deux récits de Jean-Luc Lagarce. Deux monologues autobiographiques où la mort côtoie la vie de près, interprétés par un Vincent Dissez qui excelle dans l’art délicat d’incarner un revenant.

 Jean-Luc Lagarce n’est pas seulement un auteur du retour, de la répétition – la plupart du temps ultime –, c’est un auteur à qui l’on revient souvent. Ainsi de Sylvain Maurice, qui confiait en 2005 l’interprétation de L’Apprentissage au comédien Alain Macé. L’aventure a duré de nombreuses années. Au gré des tournées, le seul en scène a gagné en épure, en simplicité. Lorsqu’il a cessé d’être joué, il a fait comme tous les personnages qui disparaissent dans l’œuvre de Lagarce : il a laissé des traces. Il a continué de faire son chemin dans l’imaginaire de Sylvain Maurice, qui en livre en ouverture de saison au Théâtre de Sartrouville une mise en scène toute nouvelle. Sous le titre de « Un jour, je reviendrai », elle cohabite avec un autre récit du même auteur, Le Voyage à La Haye. Un heureux mariage porté à la scène par Vincent Dissez, qui a fait ses débuts au théâtre à l’atelier de l’auteur et metteur en scène Didier-Georges Gabily – souvent comparé à lui pour sa disparition prématurée – qui écrit ceci en 1993 à Jean-Luc Lagarce : « Je trouve L’Apprentissage absolument extraordinaire. Comme récit. Comme théâtre », rapporte Jean-Pierre Thibaudat dans son Roman de Jean-Luc Lagarce[i].

Pour le comédien aussi, il y a donc dans le fait de jouer du Lagarce quelque chose de l’ordre des retrouvailles. Là encore, avant l’oubli. Sur un plateau aussi nu que son torse, Vincent Dissez aborde L’Apprentissage comme on approche un ami dont la vie nous a séparé depuis longtemps. Avec douceur, avec une joie mêlée d’appréhension. Cet ami, c’est sans doute Jean-Luc Lagarce lui-même, dont il porte les mots autobiographiques sans chercher à l’incarner. D’une sobriété qui confine à l’effacement, Vincent Dissez se fait dès ses premières phrases « revenant », terme employé par l’auteur pour désigner les nombreux morts qui habitent son œuvre, souvent à travers les vivants. Il est un fantôme qui s’anime au fur et à mesure qu’il avance dans le récit, dont le narrateur anonyme raconte son retour à la vie après un long sommeil qui aurait bien pu être définitif. Il va ainsi d’emblée à ce qui est essentiel pour Jean-Luc Lagarce : la langue. Laquelle, dit l’auteur dans ses dernières années, est « le sujet, le rythme, comment les gens essaient de préciser leur pensée au-delà du raisonnable »[ii]…

Inséparable de cette langue qui hésite, où sont en permanence reformulées des phrases à la simplicité trompeuse, l’humour est présent à chaque instant de Un jour, je reviendrai. Vincent Dissez sait y faire avec lui : sans atténuer ce qu’il y a de douleur dans l’écriture de Jean-Luc Lagarce, il parvient à exprimer l’amusement, la curiosité que celui-ci manifeste envers le monde jusqu’à la fin. Car la fin arrive, plus tôt que prévu dans la pièce comme dans la vie de l’auteur. Alors que L’Apprentissage s’achève sur une sorte de résurrection, Le Voyage à La Haye s’ouvre sur la maladie dont on comprend très vite que cette fois, la renaissance ne sera pas à la clé. Le comédien s’y lance avec la même simplicité, avec la même élégance que dans le récit précédent. Après quelques secondes de pause et un changement d’éclairage – les lumières de Rodolphe Martin sont à l’image de l’ensemble, subtiles –, il dit les dernières tournées de Jean-Luc Lagarce. Son désir de théâtre jusqu’au seuil de la mort.

L’union des deux textes va de soi. Grâce à Vincent Dissez bien sûr, qui est tout au long de son heure et demie de plongée un remarquable « mort revenu parmi les vivants », expression de Jean-Luc Lagarce dans son Journal, que l’on retrouve dans Le Voyage à La Haye, lorsqu’il raconte sa virée dans un bar homo d’Amsterdam. Ce rapport entre Journal et récit est aussi pour beaucoup dans l’évidence du rapprochement de L’Apprentissage et du Voyage à La Haye. Écrits à peu de temps d’intervalle, les deux textes présentent la même distance avec l’écriture intime. « Même si certaines phrases du premier récit sont transposées dans le second, il y a la distance qui sépare la chronique journalistique d’un fait divers des Bonnes de Genet, ou l’écart entre les matériaux accumulés par Flaubert sur l’empoisonnement par l’arsenic et le récit de la mort de Madame Bovary », explique Jean-Pierre Thibaudat. Dans cet interstice, Sylvain Maurice et Vincent Dissez sont chez eux. Nous aussi.

Anaïs Heluin – www.sceneweb.fr

Un jour, je reviendrai

Texte :  Jean-Luc Lagarce

Mise en scène : Sylvain Maurice

Avec : Vincent Dissez

Assistanat à la mise en scène : Béatrice Vincent
Scénographie : Sylvain Maurice en collaboration avec André Neri 
Costumes : Marie La Rocca
Lumière : Rodolphe Martin
Son et régie son : Cyrille Lebourgeois
Régie générale : André Neri
Régie lumière : Sylvain Brunat
Régie plateau : Laurent Miché

Production Théâtre de Sartrouville et des Yvelines–CDN
L’Apprentissage et Le Voyage à La Haye sont publiés aux Solitaires Intempestifs

Durée : 1h30

Théâtre 14 à Paris
Du 19 au 29 janvier 2022

12 octobre 2020/par Anaïs Heluin
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