La perte d’un enfant, quelles qu’en soient les circonstances, est sans doute ce qu’il y a de plus inimaginable, effroyable et certainement impossible à surmonter. Comment vivre ce cauchemar sans douter de sa réalité, comment ne pas espérer que l’on va se réveiller, que tout va reprendre comme avant… ?
Mais le réveil n’a pas lieu, tout est vrai et les questions déferlent. Pourquoi ? Comment est-ce possible ? Que s’est-il passé ? Puis vient la culpabilité, celle que l’on ressent, celle des autres, leurs regards, leurs mots, leurs accusations. Et ce sentiment d’avoir failli, de ne pas avoir été à la hauteur, autant de questions qui déchirent et détruisent petit à petit.
Dans ce monologue fort et intense d’Élisabeth Gentet-Ravasco, tout est déjà joué pour cette femme, le drame a eu lieu, impossible de revenir en arrière. Le spectateur est convié à écouter le témoignage d’une mère dont le temps vient de se suspendre à jamais. Elle va se livrer, offrir en adresse directe au public le récit des évènements tragiques qui suivent la nouvelle : « Votre fils est mort ».
En s’interrogeant, en se racontant, elle nous invite, sans qu’on s’en aperçoive à nous glisser, à sa place, au plus près de cette tragédie. Et nous la suivons, l’écoutons, et nous nous interrogeons par mimétisme, sans jugement, happés par ces questions conscientes ou inconscientes qui naissent à chaque étape de son récit. Qu’aurions-nous fait ? Comment supporter cette horreur ? Comment vivre avec ? Comment vivre sans ? Comment se reconstruire ? Comment effacer ces images, ces souvenirs ? Comment comprendre ? Faut-il comprendre ?
Le plateau, presque vide, suggère plus qu’il ne montre ce qui reste du foyer dévasté. La lumière, la vidéo, rien n’est réaliste mais tout concourt à nous évoquer des morceaux de vie, de souvenirs, des sensations perdues…
Nous voyageons dans les souvenirs proches et lointains, heureux et tragiques de cette mère. De cette femme qui s’offre, se montre dans toute sa vérité, avec sincérité, tendresse, intensité, fureur, avec cette urgence, ce besoin de comprendre.
Le travail sur la musique originale, riche et précis, fait entendre et vivre l’extérieur, les personnages et les situations sur lesquels s’appuie le récit.
J’ai voulu orienter la direction d’acteur vers une recherche de la simplicité, de l’authenticité, de la vérité et de l’intensité. Mettre en espace l’humanité dans le partage des émotions et une grande dignité dans la narration de cette tragédie. Travailler tout en retenue pour ne pas montrer ni expliquer ce qu’il faut ressentir, mais pour que chaque spectateur puisse être surpris par ses propres émotions et réactions.
Ce travail précis et intense a demandé à toute l’équipe et à la comédienne, en premier lieu, une grande humilité et une grande générosité… Le jeu de Véronique Augereau est à la fois bouleversant, déroutant, précis et universel.
Stéphane Daurat
Après Le Chaos
Texte Elisabeth Gentet-Ravesco
Mise en scène Stéphane Daurat
Avec Véronique Augereau
Musique Avant L’aube
Scénographie : Sébastien Sidaner
Lumière : Sébastien Vergnaud
Conception et réalisation vidéo : Fanny-Gaëlle Gentet
Production : Sophie Balazard
Presse : Catherine GuizardThéâtre de La Manufacture des Abbesses
7 rue Véron 75018 Paris
Du 27 février au 6 avril 2022
Les dimanches 20h30, lundis, mardis, mercredis 21h
Cette pièce a l’air tellement belle et triste. Mais d’après les témoignages on a le sentiment plus ou moins que la comédienne a vécu un drame ou failli de perdre quelqu’un . Peut être avec les attentats de Paris en 2015