Dans Vangelo, présenté au Théâtre du Rond-Point puis en tournée, Pippo Delbono montre le visage des martyrs et exclus contemporains. Il célèbre une messe laïque, une fête sacrée, troublante et transgressive, peuplée d’êtres et de chimères qui ne sont pas tous des Saints.
La Guerre, Le Silence, Le Cri, La Rage, Le Mensonge… Les spectacles de Pippo Delbono, à l’image de leur titre, se suivent et font traverser nombre de paysages émotionnels fortement contrastés, des endroits beaux mais obscurs, interrogateurs, libérateurs, qui bousculent et bouleversent indéniablement. Vangelo, le dernier opus, est comme les précédents fortement empreint d’enfance et de religion. Sur son lit de mort, la mère très croyante de l’artiste italien, à qui est tendrement dédiée la pièce, lui fait la demande d’imaginer un spectacle sur les Évangiles. Aussitôt naît la nécessité d’aborder ces textes. A Varazze, le petit village situé dans la campagne ligurienne où il est né, Pippo était enfant de chœur et jouait le rôle du petit Jésus dans le théâtre paroissial. Depuis, il a déserté les églises. A Dieu, il préfère désormais Bouddha ; au paradis culpabilisant, il oppose les délectations de l’Enfer.
Pippo Delbono se place délibérément du côté de « ceux qui vivent comme des assassins sur terre, comme des bandits au fond des mers, des fous à ciel ouvert ». Chef d’une troupe très singulière et fidèle, il traîne avec lui ses compagnons de route Nelson, Gianluca, Pepe, Bobo, des femmes superbes aussi, rencontrés au cours de pérégrinations diverses et variées. Tous les spectacles de Pippo Delbono sont le fruit de ces interprètes, de leur corps, leurs histoires, qui si loin de vous, vous deviennent pourtant familiers. Il associe cette fois des acteurs croates et, par vidéo, des migrants réfugiés au centre d’accueil Piam d’Asti. Ainsi, son théâtre existentiel qui a toujours porté la marginalité et la fragilité humaines, non pas exploitées dans un contenu victimaire mais au contraire magnifiées, prend un tournant plus politique encore. Dans une scène magistrale où retentit l’immolation du Don Giovanni de Mozart, un naufragé des mers, le corps vide et malingre prend la place du Christ en croix sous l’œil inquisiteur d’une communauté aux allures de Ku Klux Klan détourné à la mode baroque queer.
La voix caressante et rocailleuse, le corps massif et le souffle lourd, l’homme-orchestre, à fleur de peau, hurle et danse pour mieux se faire le chantre de l’amour et de la liberté. Il livre une charge anti-cathos radicaux et contre tous les fanatismes proférés au nom de Dieu. Quelque chose d’à la fois funèbre et d’éclatant paraît dans l’alliage du rouge capiteux et du noir caverneux qui éclairent le plateau d’une lumière toute particulière, proprement infernale.
Ce rituel grave et sulfureux plein de fièvre, de mélancolie, de poésie lyrique et furieuse donne lieu à de superbes instants de théâtre, de danse, de musique, de pure présence. Il faudrait être insensible pour ne pas être touché, conquis, par un tel geste, une telle grandeur, sincère et généreuse, qui fait finalement triompher la spiritualité et la beauté face aux dérives du monde et des hommes.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Vangelo
un spectacle de et avec : Pippo Delbono
et avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Bobò, Margherita Clemente, Ilaria Distante, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella, Nina Violić, Safi Zakria, Mirta Zečević
avec la participation dans le film des : réfugiés du Centre d’accueil PIAM d’Asti
images et film : Pippo Delbono
musique : Enzo Avitabile
scénographie : Claude Santerre
costumes : Antonella Cannarozzi
lumières : Fabio Sajiz
traduction : Anita Rochedy
direction technique : Fabio Sajiz
vidéo : Orlando Bolognesi
son : Pietro Tirella
régie générale : Gianluca Bolla
habillage : Elena Giampaoli
organisation : Silvia Cassanelli, Alessandra Vinanti
administration compagnie : Raffaella Ciuffreda
organisation et production (France) : Christian Leblanc
réalisation décor et costumes : Hrvatsko Narodno Kazalište / Zagreb
production Emilia Romagna Teatro Fondazione, Hrvatsko Narodno Kazalište / Zagreb, coproduction Théâtre Vidy-Lausanne, Maison de la culture d’Amiens – Centre européen de création et de production, Théâtre de Liège, spectacle créé le 12 janvier 2016 au Théâtre Vidy-Lausanne
Durée : 1h50Rond-Point
5 – 21 janvier 2017
DU MARDI AU SAMEDI, 21H – DIMANCHE, 15H – Relâche : LES LUNDIS ET LE 10 JANVIER
24 ET 25 JANVIER 2017
SCÈNE NATIONALE LA ROSE DES VENTS / VILLENEUVE-D’ASCQ (59)
27 ET 28 JANVIER 2017
L’HIPPODROME — SCÈNE NATIONALE DE DOUAI (59)
31 JANVIER 2017
LE MANÈGE — SCÈNE NATIONALE DE MAUBEUGE (59)
3 ET 4 FÉVRIER 2017
LA FILATURE SCÈNE NATIONALE DE MULHOUSE (68)
7 ET 8 FÉVRIER 2017
L’ESPACE MALRAUX — SCÈNE NATIONALE DE CHAMBÉRY (73)
18 ET 19 FÉVRIER 2017
THÉÂTRE DE LA PLACE / LIÈGE (BELGIQUE) –
VERSION OPÉRA
2 ET 3 MARS 2017
MAISON DE LA CULTURE D’AMIENS (80)
10 ET 11 MARS 2017
BONLIEU — SCÈNE NATIONALE D’ANNECY (74)
14 ET 15 MARS 2017
LA COMÉDIE — SCÈNE NATIONALE DE CLERMONT-FERRAND (63)
18 MARS 2017
SCÈNE NATIONALE DE SÈTE (34)
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