Valère Novarina est de retour sur le devant de la scène. L’auteur n’était pas venu à Avignon depuis « L’Acte inconnu » dans la Cour en 2007. Ses spectacles où il jongle avec la langue française ont souvent accompagné l’histoire du festival depuis « Le drame de la vie » en 1986. Il met en scène « Le vivier des noms » avec sa fidèle collaboratriceCéline Schaeffer et ses acteurs fétiches comme Agnès Sourdillon, Nicolas Struve, Dominique Parent rejoints par la formidable Claire Sermonne. Rencontre avec l’auteur, amoureux des mots et de la langue française.
- Qui sont les personnes de votre vivier des noms ?
Dans mon atelier, sur ma table de travail, il y a une sorte de dossier où sont recueillis des noms qui surgissent sans arrêt. A certain moment au moment de la création du « Drame de la vie » à Avignon en 1986 je devenais même une fontaine de noms, il y avait 2587 personnages. La source ne s’est pas tarie, des noms nouveaux sont arrivés. Chaque nom contient un drame.
- Ce sont aussi des personnages dessinés par votre main sur le sol qui se composent comme un jeu de cartes
L’idée était de mettre le moins de choses possibles dans ce théâtre des Carmes. Les noms dessinés sont au sol, certains se relèvent. J’ai souhaité que plateau respire, les personnages passent au lointain. C’est du théâtre sans artifice, du théâtre non totalitaire. Car aujourd’hui le théâtre assomme le spectateur et l’abruti de sons. C’est tout le contraire dans mon théâtre. Chacun peut lire la pièce comme il l’entend, il n’y a pas d’émotion obligatoire. Le spectateur est libre.
- Et cela fonctionne sur toutes les générations, chez ceux qui vous suivent depuis longtemps et aussi parmi les nouveaux spectateurs
Le brassage du public est nécessaire aves des gens qui ne lisent pas le même journal, qui ne votent pas la même chose, dans des âges différents, des professions différentes. Je retrouve cela à Avignon. C’est le cas aussi à la Comédie-Française.
- Vous jonglez avec la langue française. Vous sentez-vous à l’étroit avec notre langue ?
Non pas du tout. Je travaille avec le français germinatif, avec sa force inventive. Parfois je me dis que je suis peut-être un écrivain du 16ème siècle. C’est vrai qu’il faut redévelopper l’éventail du français et notamment le son. Les sons se rabougrissent en particulier à la radio ! Les voyelles sont extrêmement malades. Le public retrouve la joie du langage comme zone érogène. On s’en tire toujours par le langage. Jarry au moment de mourir dit : « Donnez-moi un cure-dent ! »
- A un moment donné dans le spectacle, un personnage propose de remplacer d’ailleurs toutes les voyelles de la langue française par des « u » !
C’est ce qui s’est passé dans un pays du Nord où cette querelle sur le genre dans la langue a été résolue en créant un pronom personnel neutre et passe-partout. Ca nous menace peut-être en France !
- Faut-t-il simplifier la langue française ?
Au contraire, il faut reprendre conscience de son chatoiement et de sa richesse musicale incroyable car c’est une langue extrêmement mystérieuse. Elle cache ses origines et sa force vient de son calme apparent. Je compare le française à la Loire. Les langues sont aussi des fleuves. Le langage est un flux du monde. Le théâtre reprend conscience de la matérialité du langage, de l’animalité de l’homme. Pourquoi va-t-on au théâtre ? Pour voir comment l’homme se représente. On y va comme on va à Lascaux ou à une exposition de Soutine pour voir comment les hommes sont représentés.
- Vous travaillez avec un noyau de comédiens fidèles qui vous accompagne dans tous vos spectacles et vous a rejoint pour celui-ci Claire Sermonne qui travaille beaucoup en Allemagne avec Castrof
Elle sait jouer dans toutes les langues ! Elle a un rôle très difficile très séparé des autres et qui en fin de compte. Elle a le sens rythmique. C’est indispensable pour incarner le théâtre qui j’aime qui travaille sur le temps. Les récits linéaires et romanesques ne m’intéressent pas.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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