Un monologue politique et profond de l’américain Wallace Shawn magnifiquement interprété par Simone Maïcanescu au Théâtre des Mathurins.
Les images du peuple haïtien, désœuvré, laminé par le tremblement de terre, tournent en boucle sur nos écrans de télévision depuis quelques jours. La détresse de ce pays vient nous rappeler combien nous sommes inégaux. Car au-delà de l’épisode climatique dévastateur qui nous bouleverse, c’est la souffrance profonde et la pauvreté séculaire des haïtiens qui frappe notre conscience. La fracture économique coupe le monde en deux, les pauvres et les riches. C’est le cœur du sujet de « Fièvre ». Une allusion au drame haïtien a d’ailleurs été rajoutée dans le spectacle joué actuellement aux Mathurins. « Fièvre » parle de l’inégalité économique, explique son auteur Wallace Shawn, ce paysage choquant que l’on traverse tous chaque jour et que la majorité ne réussit plus à voir. J’en ai entrevu quelques images à l’époque – Dieu sait comment – qui ont balayé à jamais le point de vue heureux que j’avais sur moi-même et sur ma vie ». Une américaine de la middle classe nous emmène dans un voyage au cœur de l’injustice, dans des pays déchirés par la guerre, dans ces mondes que l’on refuse de voir. Elle se découvre une conscience politique, et lit « Le Capital » de Karl Marx.
Le texte de Wallace Shawn a défrayé la chronique aux Etats-Unis lors de sa sortie, l’auteur appuyant là où ça fait mal : la mauvaise conscience des américains. Couronnée par un Obi Award de la meilleure pièce de l’année 1990, « Fever » est ensuite devenu un film produit par HBO avec Vanessa Redgrave pour aujourd’hui devenir une pièce montée en France.
« Fièvre » permet de réunir trois personnalités, trois univers différents. Il y a l’auteur américain: Wallace Shawn. Assez méconnu en France, ce comédien à la filmographie impressionnante (plus de 70 films) a joué devant la caméra de Woddy Allen (Manhattan, Radio days….) dans des séries télé populaires (Desperate Housewives, Ally Mac Beal…). Il y a le metteur en scène suédois, Lars Norén à qui l’on doit de grandes pièces comme Pur, Froid, Démon…Et l’actrice roumaine Simone Maïcanescu, installée en France depuis les années 90.
Avec force, Simone Maïcanescu incarne cette américaine déroutée par son voyage et par les horreurs rencontrées. Installée au centre de la scène dans un cercle de lumière, comme figée par tant d’inhumanité, l’actrice ne bouge pratiquement pas. Elle joue avec ses mains, les tourne dans tous les sens. Ses mots s’entrechoquent et résonnent avec beaucoup de sensibilité.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Fièvre de Wallace Shawn
Traduction, adaptation : Simona Maïcanescu
Mise en scène: Lars Norén
Avec:Simona Maïcanescu
Lumière: Jean Poisson
Costume: Chatoon
Son: Sophie Buisson
Collaboration artistique:
Nelly Bonnafous, Anne Seiller
Production: Théâtre des Mathurins /
Cie Apocryphe Tendance /
Le Nouvel Olympia – CDR de Tours /
Théâtre de l’Espace – Scène Nationale de Besançon /
avec le soutien de L’Athénée- Théâtre Louis Jouvet
THÉÂTRE DES MATHURINS (grande salle)
36 rue des Mathurins 75008 PARIS – 01 42 65 90 00
à partir du 13 janvier 2010
du mardi au samedi à 19h et dimanche à 17h
joie d’une sorte de révélation quand on entend un texte dont la teneur correspond en tout point à ce que l’on pensait déjà il y a fort longtemps. Le tout souligné par l’interprétation délicatement tendue de Simone Maïcanescu avec son accent roumain délectable et la mise en scène faîte d’immobilités soulignant la tension, à dire et redire ce que les blasés ne perçoivent que comme des évidences inéluctables.