
© Alain Richard
Avec son spectacle, Une histoire subjective du Proche-Orient mais néanmoins valide… je pense, mis en scène par Ido Shaked, l’autrice et comédienne porte seule-en-scène le récit de son existence teinté par la violence des conflits.
Il faut souvent mettre un pied dans la petite histoire pour entrer dans la grande. A 37 ans, l’autrice et comédienne Lauren Houda Hussein, co-fondatrice de la compagnie Le Théâtre Majâz avec le metteur en scène israélien Ido Shaked, porte, dans un seule-en-scène, le récit intime, historique et politique, de sa vie, combiné en trois chapitres. Trois parties – entrecoupées de deux entractes de dix minutes – pour trois grandes capitales : Beyrouth, Jérusalem et Paris, qui ont, à leur manière, marqué l’existence de l’artiste. « Tout est faux dans cette histoire car il ne s’agit pas d’un témoignage, et tout est vrai même si toute la vérité n’est pas dite », précise Lauren Houda Hussein dans le dossier destiné aux professionnels.
Cette fictionnalisation du réel ou cette réalité fictionnelle, au choix, opérée par l’autrice s’effectue dans un écrin on ne peut plus simple et dépouillé de tout effet : un plateau noir presqu’intégralement mis à nu, avec pour seul décor des rais de projecteurs dessinant l’ombre de Lauren Houda Hussein, et une estrade sur laquelle se tient le musicien et oudiste Hussam Aliwat, qui rythme en live ce spectacle séjournant au cœur de l’intime.
Lauren Houda Hussein débute son histoire un 12 juillet 2006. La date marque le début d’une guerre de 33 jours qui opposa Israël au Liban, faisant malgré elle, par le hasard du calendrier, tristement écho avec l’actualité de ces dernières heures. En plein été 2006, donc, Lauren Houda Hussein – L. dans le spectacle – s’apprête à fêter ses vingt ans. Cette jeune femme, franco-libanaise, est partie seule en voyage au pays de son père, et pense aller voir le concert donné le lendemain par son idole Fairuz. La musique attendra et ainsi l’insouciance de la jeunesse, brisée sans ménagement par ce conflit armé qui plonge la narratrice dans le grand bain de l’âge adulte et celui des responsabilités.
Quelques années plus tard, c’est une deuxième déflagration qui secoue son existence. Lauren Houda Hussein est alors étudiante au sein de la très renommée école internationale de théâtre Jacques Lecoq à Paris, lorsqu’elle tombe amoureuse d’un camarade. Sauf que ce dernier est israélien. Et appartient donc au camp jugé ennemi par le père de la jeune femme. C’est donc sans surprise que celui-ci manque de s’étrangler lorsqu’il apprend cette impensable union et le projet de sa fille d’aller passer quelques jours en Israël. Cet amour interdit vaudra à L., deux ans de silence de la part de son parent.
Avec un ton faussement humoristique, hélas trop peu assumé, Lauren Houda Hussein fait défiler ces années où son âme et son cœur semblent s’être partagé entre la France et le Proche-Orient, solidement harnachés à une histoire passée et présente à laquelle l’artiste tente de résister. Telle une conteuse, la comédienne s’adresse à nous, spectateurs, marquant quelques silences et temps de pause, pour nous laisser ainsi le temps d’entrevoir les nombreux nœuds de son histoire. La narration un peu corsetée et mécanique de la première partie se desserre à mesure que les minutes défilent. Lauren Houda Hussein prend peu à peu la place qui est la sienne et endosse celle de ses personnages (la psy à l’accent british, un soldat israélien très terre à terre, une cartomancienne…), dessinant les contours de cette existence peu commune.
Il faut attendre la dernière partie, Paris, pour en prendre la pleine mesure. A travers la figure du père de L., « en même temps une des personnes les plus formidable que je connaisse, et le plus gros enfoiré que la terre n’ait jamais porté… », traversant continuellement le spectacle, Lauren Houda Hussein aborde ce rapport complexe où se glissent, pêle-mêle les traumatismes intergénérationnels, les conflits géopolitiques, l’amour de soi et des autres, la double culture française et libanaise, les violences patriarcales… Un méli-mélo versé aux spectateurs avec autant de douceur que de précision. A entendre Lauren Houda Hussein, les mots forment son arme et son salut. Somme toute les mêmes outils utilisés en cas de crise diplomatique ou en temps de guerre. Une histoire subjective du Proche-Orient mais néanmoins valide… je pense n’a pas vocation à résoudre les conflits, mais permet toutefois d’en mieux appréhender les rouages, à l’œuvre du côté de l’intime. Dommage donc que la tournée de ces prochaines semaines prévoit ponctuellement que le spectacle soit amputé de sa dernière partie, pourtant essentielle, à notre sens, pour comprendre pleinement la démarche du Lauren Houda Hussein.
Kilian Orain – www.sceneweb.fr
Une histoire subjective du Proche-Orient mais néanmoins valide… je pense
De et avec Lauren Houda Hussein
Mise en scène Ido Shaked
Musique (live) de Hussam Aliwat
Création musicale: Hussam Aliwat
Création lumières : Léo Garnier
Création sonore: Thibaut ChampagneProduction Théâtre Majâz • Coproduction: Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine,
Centre culturel Jean-Houdremont La Courneuve
Création soutenue par le département du Val-de-Marne
Avec le soutien en résidences de création: Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne,
Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre Châtillon Clamart.Durée estimée – 2h20 (+ entractes)
Le 14 novembre 2023
19h (Beyrouth et Jérusalem)
Safran à AmiensLes 22 et 23 novembre 2023
Présentation à la Faïencerie de Creil et à la Manekine de Pont Sainte-Maxence dans le cadre des journées de rencontres professionnels de La CroiséeLe 9 décembre 2023
18h Intégrale au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-SeineDu 12 au 15 décembre 2023
Intégrale au Théâtre Joliette à Marseille
(19h les 12 et 13/12 – 20h les 14 et 15/12)8 mars 2024 19h
Intégrale au Centre culturel Jean-Houdremont à la Courneuve26 mars 2024 19h
Intégrale au Théâtre Jean Lurçat, SN d’Aubusson
Laisser un commentaire
Rejoindre la discussion?N’hésitez pas à contribuer !