François Rancillac s’attaque à une pièce de jeunesse de Corneille écrite à 28 ans. La scénographie de Raymond Sarti est soignée. Le jeu est inégal, en dent de scie, du coup le spectacle soufre de longs moments qui manquent de fougue, avec cependant de belles surprises.
La première difficulté chez Corneille, c’est la langue avec ces alexandrins cauchemardesques qu’il faut dompter. Ce n’est pas naturel et cela demande aux comédiens un travail minutieux pour digérer ces vers d’hier et donner l’illusion qu’ils résonnent aujourd’hui. La deuxième difficulté de la pièce, c’est sa complexité narrative. Corneille va vite. Il ne laisse pas le temps de souffler. L’action est menée tambour battant. Il faut donc la suivre avec attention tout en étant attentif à la langue.
La bonne idée de François Rancillac est de pas avoir noyé sa mise en scène sous des tonnes d’effets et de décors inutiles. Il place les comédiens au centre d’un dispositif simple et fonctionnel. Son scénographe Raymond Sarti a tout concentré sur un carré au centre de la scène: un tapis de confettis noirs fait place à un magnifique parquet en marqueterie. De part et d’autre six valises à maquillage éclairées permettent aux comédiens de patienter et d’observer leurs partenaires avant de rentrer sur l’arène, sur cette Place Royale, sur ce terrain de jeu où Corneille défend son idée de la liberté.
Alidor (Christophe Laparra) aime Angélique (Hélène Viviès) mais il entre en conflit avec ses sentiments et préfère conserver sa liberté. Il va lutter contre ses démons et tout mettre en œuvre pour repousser celle qu’il aime. « Je me procure un maux pour m’en éviter mille » dit-il. Si les alexandrins sont bien marqués par les comédiens, le jeu manque de fougue et d’incarnation. La mise en place du spectacle est très longue. Le couple Alidor/Angélique n’a pas encore trouvé ses marques. On l’a trouvé trop lisse, sans flamme. On sait qu’Hélène Viviès sait se transcender comme elle a su le faire admirablement dans « En travaux » de Pauline Sales lorsqu’elle incarnait l’androgyne Svetlana et qui lui a valu une nomination méritée aux Molières 2014. Elle était déchirante.
La flamme arrive enfin un peu plus tard avec des personnages secondaires qui éclairent la scène. Il y a d’abord Phylis (Linda Chaïb) la meilleure amie d’Angélique et Cléandre (Assane Timbo) le meilleur ami d’Alidor. Linda Chaïb est rayonnante, perfide, espiègle. Son jeu est vrai soleil dans cette belle scénographie en clair-obscure. Elle donne un coup de fouet au spectacle. Et puis on est très heureux de retrouver Assane Timbo que l’on adore. Il nous a donné des frissons en interprétant « Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman. Ici son jeu est juste, les alexandrins sont restitués avec allégresse. Merci à François Rancillac de briser les codes ignobles du théâtre qui confinent les acteurs noirs dans des rôles de complément. Un acteur est un acteur. Il incarne avant tout un rôle. C’est le théâtre que nous défendons. Il y a encore du chemin à faire, mais on va y arriver ! Et puis on a aimé aussi Antoine Sastre (Plymas et Lysis) plus comique que dans « Dans les veines ralenties » d’Aurélie Van Den Daele d’après Bergman qui l’on a vu à la fin de l’année 2014 à l’Aquarium. La distribution est complétée par Nicolas Senty (Doraste) l’amoureux déçu qui croit un moment qu’il va pouvoir récupérer la belle Angélique.
La Place Royale est une pièce sur la fuite et la liberté. Finalement Angélique décide d’entrer au couvent. Elle prend sa retraite et disparaît sous un nuage de confettis noirs, une dernière très belle image. « Je suis libre à présent qu’elle est désabusée » lance dans une dernière tirade Alidor débarrassé de son amour encombrant. « Je verrai sans regret qu’elle se donne à Dieu« . Lorsqu’il dit cela les alexandrins brûlent à l’intérieur d’Alidor. On n’a pas senti l’incandescence sur scène.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
La Place royale de Pierre Corneille,
mise en scène François Rancillac
scénographie Raymond Sarti, lumière Marie-Christine Soma, costumes Sabine Siegwalt, son Frédéric Schmitt
avec Linda Chaïb, Christophe Laparra, Antoine Sastre, Nicolas Senty, Assane Timbo, Hélène Viviès
production > Théâtre de l’Aquarium, le Théâtre Dijon Bourgogne – CDN, Le Moulin du Roc, scène nationale à Niort, La Comédie de Caen-CDN de Normandie. Avec l’aide à la production d’Arcadi.
Théâtre de l’Aquarium
du 3 janvier au 1er février 2015
du mardi au samedi à 20h30, le dimanche à 16h
La Ferme du Bel Ebat à Guyancourt le 6 février 2015
Théâtre de la Ville à Berne le 9 février
Equinox à Châteauroux le 12 février
Le Moulin du Roc à Niort les 17 et 18 février
CDN de Caen les 25 et 26 février 2015
Théâtre de la Croix Rousse du 17 au 27 mars 2015
Théâtre Dijon Bourgogne du 31 mars au 3 avril 2015
Scène Nationale de Bar-le-Duc les 9 et 10 avril 2015
Centre des Bords de Marne le 14 avril 2015
Le Cratère à Alès les 28 et 29 avril
Théâtre Firmin Gémier à Châtenay-Malabry les 5 et 6 mai 2015
Théâtre de la Madeleine à Troyes le 12 mai 2015
Nest à Thionville du 19 au 21 mai 2015
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