Au théâtre des 13 vents qu’ils dirigent, Nathalie Garraud et Olivier Saccomano présentent une variation contemporaine pour quatre acteurs autour de Hamlet de Shakespeare. Sous des attraits bouffons, le spectacle fait la peinture d’une jeunesse insolente entre déroute et révolte.
Si Hamlet est incontestablement un personnage sombre et torturé qui véhicule à l’envie son désenchantement tragique, il n’est pas à exclure sa dimension loufoque, potache et déglingué. L’espace proposé sur la scène même du CDN de Montpellier renvoie d’ailleurs au théâtre de tréteaux, à la foire. Un Hamlet de moins instaure avec les spectateurs une proximité évidente à la fois spatiale et temporelle. Le quatuor d’acteurs présent porte aussi bien la fraise et la culotte classiques que le jogging et les baskets. Tout dans l’esthétique choisie assume parfaitement l’hybridité. Des échos au théâtre élisabéthain rencontrent les fétiches de la société de consommation actuelle. C’est tout l’enjeu du travail proposé que celui de tirer et de tendre un fil sur un peu plus de 400 années qui séparent la création d’Hamlet et le monde d’aujourd’hui, comme pour mieux établir un système d’échos, de résonance, entre une figure mythique du patrimoine dramatique et notre actualité.
S’il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, notre ici et maintenant n’en demeure pas moins accablant de violence et de cynisme pour une nouvelle génération sans repère car livrée à elle-même. Avachis sur des marches d’escalier, écoutant de la musique, faisant défiler des vidéos sur internet, se prenant en photos ou se filmant, quatre jeunes gens hyperconnectés à leur téléphone portable devisent non sans désinvolture mais aussi avec une profonde lucidité sur le pouvoir, la guerre, la corruption, le désir, le chute probable. Entre nervosité et oisiveté, agressivité et jovialité, ils font preuve d’une certaine verve mêlée à une sorte d’inertie. Entre loose et effronterie, habités d’idéaux que contrecarre un tenace désenchantement, ils hurlent, s’esclaffent, s’invectivent, se consument. Sans doute n’ont-ils pas trouvé leur place et les moyens d’agir dans la société dont ils restent à la marge.
Pas totalement affranchi du texte initial qui est réécrit, le ton demeure résolument contemporain. Même si parfois anecdotique, notamment dans sa fâcheuse tendance à glisser quelques clins d’œil à une actualité nationale ou internationale immédiate, le propos est pertinent dans ce qu’il dit et montre de la jeunesse d’aujourd’hui. A cela s’ajoute une réflexion sur le théâtre et le jeu. Donnée dans une forme voulue comme simple, économe en moyens, le spectacle est à l’image du travail qu’aiment défendre ses signataires qui s’étaient déjà attaqués à Othello dans une forme brève et itinérante donnée au festival d’Avignon. De la même manière, l’action se concentre sur les personnages principaux et se débarrasse de l’arrière-plan. Véritablement dopé par un jeu d’acteurs assez survolté, Un Hamlet de moins se focalise sur la tentative de contestation et d’affranchissement du jeune héros éponyme qui apparaît comme un électron libre dans l’interprétation de Florian Onnéin fort bien accompagné de Cédric Michel, de Conchita Paz et de Charly Totterwitz.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Un Hamlet de moins
conception : Nathalie Garraud et Olivier Saccomano
d’après Hamlet de Shakespeare
écriture : Olivier Saccomano
mise en scène : Nathalie Garraud
jeu : Cédric Michel, Florian Onnéin, Conchita Paz, Charly Totterwitz de la Troupe Associée au Théâtre des 13 vents
scénographie : Nathalie Garraud
costumes : Sarah Leterrier
assistanat à la mise en scène : Ariane Salesne
son : Serge Monségu
construction décor : Christophe Corsini, Colin Lombardproduction : Théâtre des 13 vents CDN Montpellier
Durée: 1h15
Théâtre des 13 vents • Montpellier
du 23 au 26 mai 2023
Je n’ai malheureusement pas aimé compris votre pièce… déception et interrogation, pourquoi ce titre ? Pourquoi partir d’ une pièce si célèbre et en faire quoi ?