Après avoir présenté un triptyque autour du Siècle d’Or (Don Quichotte, La Célestine et Don Juan), Christian Schiaretti, le directeur du TNP de Villeurbanne présente un dytique autour de Strindberg (Mademoiselle Julie et Créanciers). «J’entretiens un rapport systématique au répertoire, explique le metteur en scène. C’est une gymnastique appliquée au théâtre, aux acteurs et au public. Le répertoire suffit en soi à justifier la succession des œuvres. » Pour ce dytique, il utilise le même décor, teinté de rouge et de bleu (qui tend vers le vert). L’espace au devant de la scène est délimité par un sol carrelé et par des cordages rouges qui montent dans les cintres. Les entrées et sorties des comédiens s’effectuent en fond de scène, côté cour, par une porte qui s’ouvre et laisse entrevoir un halot de lumière. Un autre espace scénique, côté jardin, un peu surélevé est caché par un large rideau de tulle. L’ensemble est séduisant. « Le diptyque se présente comme un écho d’un point de vue d’une conception policière des œuvres de Strindberg : il s’agit là dans les deux cas, d’un meurtre parfait » pour Christian Schiaretti. Il est vrai que les deux œuvres se répondent, il est question des tourments de l’amour qui engendrent le pire, la mort. Dans Mademoiselle Julie, la jeune comtesse met fin à ses jours, dans Créanciers, Adolphe le mari succombe après avoir compris la vraie nature de sa femme. Les deux pièces ont été écrites la même année en 1888 quelques années après La Maison de poupée d’Ibsen. L’écriture de Strindberg le suédois a souvent été comparée à celle d’Ibsen le norvégien.
Si avec Créanciers, Christian Schiaretti réussit à rendre l’œuvre palpitante, avec Mademoiselle Julie, il a plus de mal à retranscrire le mal être de la jeune comtesse poussée par l’odieux valet arriviste. Dans ce rôle, Clémentine Verdier, jeune comédienne issue de l’ENSTATT (65ème promotion) et membre de la troupe permanente du TNP semble encore trop légère face à l’immense Waldimir Yordanoff, élève de Pierre Debauche et d’Antoine Vitez qui sauve la pièce du naufrage. On se demande encore ce que vient faire la première scène (qui semble durer une éternité) lorsque la bonne se met en cuisine pour cuire des rognons de veau (on ne nous donne même pas les ingrédients !) On attendra la version de Frédéric Fisbach cet été en Avignon avec Juliette Binoche et Nicolas Bouchaud. Oublions cette Mademoiselle Julie, pour apprécier le drame de Créanciers, et retrouver un trio magique de comédiens. Christophe Maltot, présent dans Lulu cette saison dans la mise en scène de Stéphane Braunschweig, incarne le jeune mari Adolphe fou amoureux de Tekla, interprétée par Clara Simpson, comédienne irlandaise qui se partage entre la France et son pays d’origine (elle a reçu en 2004 un prix pour sa prestation dans Lolita de Nabokov au Théâtre national d’Irlande). Dans Créanciers l’espace scénique de Christian Schiaretti se justifie pleinement. Toute l’action se déroule dans deux chambres, la deuxième, celle située en fond de scène, est la chambre qui révèle la vérité. C’est dans cette chambre qu’Adolphe succombe alors qu’il apprend que Tekla a une dette envers son premier mari, Gustave, campé par Waldimir Yordanoff. L’ensemble est cruel, les sentiments sont exacerbés. La robe rouge sang magnifiquement dessinée par Thibault Welchin et les quelques éléments de décor de la même couleur accentuent la tension. Et si Créancier était le premier thriller du répertoire ?
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Créanciers et Mademoiselle Julie de Strindberg
traductions du suédois Terje Sinding
mises en scène Christian Schiaretti
scénographie Renaud de Fontainieu
accessoires Fanny Gamet
costumes Thibaut Welchlin
lumières Julia Grand
son Laurent Dureux
coiffures et maquillage Claire Cohen
conseiller littéraire Gérald Garutti
assistante Laure CHarvin Gautherot
Mademoiselle Julie
avec Clara Simpson, Clémentine Verdier, Wladimir Yordanoff
Durée : 1h40
Créanciers
avec Christophe Maltot, Clara Simpson, Wladimir Yordanoff
Durée 1h40
production Théâtre National Populaire – Villeurbanne (le Théâtre National Populaire est subventionné par le ministère de la Culture et de la Communication, la ville de Villeurbanne, la région Rhône-Alpes et le département du Rhône), coréalisation La Colline – théâtre national, avec la participation artistique de l’ENSATT
Théâtre National de la Colline
du 7 mai au 11 juin 2011
Grand Théâtre
Mademoiselle Julie
le mardi à 19h30, le jeudi à 20h30, le samedi à 17h30 et le dimanche à 15h30
Créanciers
le mercredi à 19h30, le vendredi et le samedi à 20h30 et le dimanche à 18h30
Les samedis et dimanches, Mademoiselle Julie & Créanciers sont proposés en intégrale, et du mardi au vendredi en alternance.
Je ne suis pas d’accord avec vous. J’ai trouvé la jeune Julie bouleversante de fragilité et de finesse, et son interprétation offre une richesse rare sur ce personnage.
Oui, ces deux spectacles sont absolument réussis et bouleversants. De très haute qualité. On aime retrouver Strindberg dans les mises en scènes de Schiaretti. Ce dernier a tout compris.
Voici mon article sur Mademoiselle Julie : http://bit.ly/yN3WvV
Bonne journée.