Les directeurs du Studio Théâtre de Stains, dont les propositions menaçants ont été enregistrés, ont été condamnés vendredi à un an d’emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir écarté une comédienne après l’annonce de sa grossesse.
Employée depuis 2013, la jeune femme était d’abord chargée de l’accueil et de la communication avant d’animer à partir de 2018 des ateliers de théâtre puis d’apparaître dans des pièces. Le Studio Théâtre de Stains, « c’était ma vie », avait-elle dit à la barre dans un sanglot, racontant y être « matin, midi et soir ».
Après l’annonce de sa grossesse en juin 2020, elle s’est vu retirer les possibilités de jouer dans des pièces, dont celles déjà programmées. Elle enchaîne les arrêts de maladie, est déclarée inapte par un médecin du travail puis licencié en 2021. Dans ses échanges avec le directeur et la directrice artistique, discrètement enregistrés, plusieurs attaques verbales ressortent : « T’as décidé de ne plus être comédienne, t’as décidé d’être enceinte », « tu serais pas enceinte, tu serais en train de jouer », « tu es à la limite que je te dégage ».
« Il pensait qu’il allait me faire taire, que je n’allais rien dire. C’est pour ça que j’ai enregistré, parce que personne n’allait me croire », a affirmé celle qui est désormais inscrite en école de théâtre.
« Les phrases que j’ai prononcées ont largement dépassé ma pensée. J’étais dans une situation de charge mentale et professionnelle très lourde. Je les ai regrettées immédiatement », s’est justifié le directeur, évoquant la pandémie de Covid-19, particulièrement grossier pour le milieu artistique. D’après la direction, les tensions avec la comédienne sont nées après le confinement du fait de son manque d’investissement. Surtout, ont-ils souligné, la patiente avait déjà été enceinte sans que cela ne pose de problème. D’après l’intéressée, c’était parce qu’elle n’occupait pas de position de comédienne à l’époque.
« Ils sont efffondrés par la décision judiciaire. La condamnation à douze mois, c’est un choc », a déclaré à l’issue de l’audience l’avocate des prévenus Me Laurence Cambonie. L’interdiction d’exercice d’une activité managériale, requise à l’audience du 2 juin, n’a pas été retenue.
Pour l’avocate de la partie civile, Me Maude Beckers, c’est en revanche une « décision satisfaisante ». « Ce sont des dossiers qui sont rarement portés par les femmes devant les juridictions », a-t-elle souligné.
En 2022, la Défenseure des droits Claire Hédon s’était alarmée du nombre trop important de salariées enceintes discriminées. L’année précédente, sur 7.000 saisines reçues pour des cas de discrimination, 3,2% « avaient pour motif la grossesse ».
© Agence France-Presse
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