Stanislas Nordey adapte la pièce tragique de l’allemande Anja Hilling. L’histoire d’un pique-nique qui se transforme en incendie dans une forêt dans un style récitatif et distancié.
Dans une forêt, un groupe d’amis pense passer un moment paisible en plein été. C’est le temps du pique-nique. Mais un geste malencontreux va déclencher un incendie. Les arbres s’embrasent. La petite Gloria périt brûlée par les flammes. La pièce de Anja Hilling est découpée entre trois parties distinctes. « La fête » qui présente les personnages, « Le feu » qui décrie l’horreur, et « La ville » qui répond aux questions que l’on se pose sur les circonstances du drame. Stanislas Nordey a choisi un style distancié pour évoquer cette histoire dramatique. La plus souvent récitative, la pièce a des allures de tragédie antique. Les comédiens forment un chœur.
La mise en espace très plastique de Stanislas Nordey donne à la pièce des allures d’objet d’art contemporain (le pique nique est représenté à travers des éléments plaqués sur un panneau à la verticale, sorte de nature morte). Le metteur en scène a été inspiré par l’artiste Giuseppe Penone. La photo qui illustre la forêt est magnifique, tout comme le parterre de guirlandes électriques qui jonchent le sol (environ 4000 ampoules) et qui ensuite sont hissées sur les côtes.
La description de l’incendie dans la forêt est un moment douloureux, formidablement bien raconté par les acteurs. « Le feu qui couve est un animal silencieux ». Une pluie de cendres s’abat sur eux, recouvre le sol et à la fin du spectacle compose la pierre tombale de Miranda et Gloria. L’image est belle et troublante.
Mais ce théâtre raconté manque tout de même de corps et de chair. On aimerait être touché par le récit. La forme distanciée n’aide pas à transcender notre plaisir. Dans la dernière partie, un décor massif, une énorme sculpture représentant un cheval en relief s’ouvre comme un livre, puis les comédiens viennent tour à tour au micro pour finir de raconter l’histoire.
Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
Tristesse animal noir de Anja Hilling
traduction de l’allemand Silvia Berutti-Ronelten collaboration avec Jean-Claude Beruttimise en scène Stanislas Nordey
collaboratrice artistique Claire ingrid Cottanceau
scénographie Emmanuel Clolus
lumières Philippe Berthomé
son Michel Zurcher
assistante Marine de Missolz
avec
Vincent Dissez, Valérie Dréville, Thomas Gonzalez Moanda Daddy Kamono, Frédéric Leidgens Julie Moreau, Lamya Regragui, Laurent Sauvage
production Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie, La Colline – théâtre national, Théâtre National de Bretagne Rennes, Compagnie Nordey
Le texte de la pièce a paru aux Éditions Théâtrales, éditeur et agent de l’auteur.
Durée: 2h20
Théâtre National de la Colline
Grand Théâtre
du 11 janvier au 2 février 2013
du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Espace Malraux – scène nationale de Chambéry et de la Savoie
les vendredi 8 et samedi 9 février 2013
Pas tout à fait d’accord avec la fin de la critique « manque de corps et de chair »…Je trouve au contraire que ce retour à la tradition classique du choeur grec magnifie et sans doute bonifie le texte de façon magistrale. L’incendie est remarquablement relaté et incarné et m’a rappelé un autre clin d’oeil aux grands textes grecs, le sublime « Oedipe sur la route » d’Henry Bauchau où la fournaise grecque et l’apreté du paysage, comme la dureté du périple d’Oedipe, transparaissent à chaque ligne.
Si j’avais un bémol à apporter, ce serait le trop long-selon moi- développement de la troisième partie où les incessants échanges par répondeur téléphonique interposés finissent par lasser: sans doute la pièce peut-elle être élaguée d’une demi-heure sans perdre en intérêt. mais tout de même, quel grand moment de théatre!!!!