Trilogie 72 est une invitation au voyage. Un voyage dans le temps avec trois concerts envoûtants, proposés, au Festival d’Avignon, par des artistes d’aujourd’hui, qui reprennent des albums d’hier : Harvest de Neil Young, Ziggy Stardust de David Bowie et Transformer de Lou Reed.
Au milieu de la frénésie théâtrale et du frisson d’adrénaline qu’est le Festival d’Avignon, trois parenthèses enchantées et musicales nous enveloppent de douceur. Avec le projet Trilogie 72, d’abord créé au Printemps de Bourges en avril dernier, le Festival offre au public des instants de poésie. Présenté comme une « trilogie sous forme de faille spatio-temporelle », ce programme nous transporte en 1972, année mémorable en matière de création musicale, car en Royaume-Uni comme aux Etats-Unis, trois immenses artistes, David Bowie, Lou Reed et Neil Young, composaient alors leurs albums mythiques : Ziggy Stardust, Transformer et Harvest. Plus de cinquante ans après, la force de ces chansons résonnent toujours avec notre monde. Deux chanteuses et un groupe de pop rendent hommage à ces musiques cultes, chantées en anglais (la langue invitée du Festival) : Léonie Pernet et son électro futuriste, Silly Boy Blue et sa pop romantique diaphane, ainsi que La Maison Tellier aux influences rock. Grâce à une interprétation personnelle des ces trois albums, toutes et tous nous octroient une respiration bien méritée.
Silly Boy Blue rend hommage à Lou Reed
C’est d’abord dans la cour du lycée Saint-Joseph, à l’acoustique si privilégiée pour la musique live, que se sont déroulées les deux premières soirées musicales. À 22 heures, une salle comble, prête à être émerveillée. Vêtue d’une robe scintillante noire, Silly Boy Blue s’avance au milieu d’une fumée bleutée. Elle a des airs de mariée gothique. Habituée des chansons tristes, souvent de rupture, la jeune nantaise de 27 ans reste fidèle à son style en livrant une heure de concert intimiste où se déploie sa pop mélancolique et sombre. Celle qui a choisi son pseudonyme d’après la chanson Silly Boy Blue, composée en 1965 par David Bowie, a pourtant décidé de revisiter un autre monstre sacré : Lou Reed. Seule à la guitare, accompagnée de Vincent Taurelle au piano, elle insuffle ses influences pop new wave et électro, dans une version épurée, sobre et habitée de l’album Transformer. Alors que dans la salle s’élèvent les voix du public qui reprennent les tubes Perfect day ou Walk on the Wild Side, Silly Boy Blue rappelle l’engagement de Lou Reed auprès des personnes LGBTQIA+, réaffirmant l’actualité mordante de cet album.
Léonie Pernet dans la peau de Ziggy Stardust
Comment songer à Lou Reed sans penser à son acolyte de toujours, son ami et partenaire musical, David Bowie ? L’artiste britannique voit, lui aussi, l’un de ses albums phare, Ziggy Stardust. 2033 : l’humanité n’a plus que cinq ans à vivre, bénéficier d’un sérieux coup de jeune. Léonie Pernet incarne une nouvelle version du personnage rock glam, messager humain d’une intelligence extraterrestre, qui cherche à contacter les Hommes pour annoncer leur fin imminente. Un triste parallèle avec notre monde actuel, menacé de toutes parts. À l’image du personnage créé par Bowie, Léonie Stardust, extraterrestre non-binaire, se réfugie sur Terre, au Niger, pour porter un message d’espoir. Dans cette fiction à la fois rétro-futuriste et afro-futuriste, iel invente un univers, où l’Afrique est un corps céleste gravitant autour du soleil. La dimension apocalyptique de l’album n’a rien perdu de son intensité dans l’adaptation proposée par Léonie Pernet, accompagnée de Jean Sylvain le Gouic et Yovan Girard, au violon et au synthé. Iel opère une savante métamorphose musicale, en modifiant les arrangements et la rythmique, imposant ses percussions et ses synthés. Pour autant, son univers futuriste reste fidèle à la patte de Bowie.
La Maison Tellier rencontre Neil Young
Pour célébrer la fin du Festival, les membres de La Maison Tellier invite leurs (nombreux) amis à les rejoindre sur la scène de l’Opéra Grand Avignon pour un concert collectif et jouissif. Bien loin de l’intimité pudique de Silly Boy Blue et de l’univers de science-fiction créé par Léonie Pernet, le groupe de rock nous entraîne dans une célébration joyeuse, à la scénographie colorée. Sur la magnifique scène de l’opéra, entourée de loges dorés et de fauteuils de velours rouges chatoyants, les cinq musiciens (faux frères qui portent tous le nom Tellier) accueillent leurs comparses. S’avancent tour à tour sur scène, les chanteuses et musiciennes Ysé, Pauline Denize, Mélissa Leveaux, Emily Loizeau ou encore Lonny, qui offrent une réadaptation chorale et vibrante d’Harvest de Neil Young dans une ambiance familiale. Sans trahir la simplicité mélancolique de cet album, La Maison Tellier lui insuffle une sacrée dose de bonne humeur. Habités par le plaisir d’être sur scène, ils remplissent de joie et de chaleur le cœur des spectateurs.
Chloé Bergeret – www.sceneweb.fr
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