Après nous avoir régalé de peinture classique lors de ses représentations parisiennes, Hector Obalk se penche à Avignon sur l’art moderne. Une expérience visuelle inédite qui ouvre les portes de la perception.
Le rideau s’ouvre, à l’ancienne, découvrant Hector Obalk de dos, assis face à un mur de tableaux tandis que la violoncelliste Hermine Horiot, au plateau, habille la scène de ses grâces musicales. Elle sera rejointe plus tard par le violoniste David Moreau en une alternance de cordes qui accompagnera le voyage visuel effectué. D’emblée, le cadre est posé. Simple et lumineux. Unique en son genre. Car ce que propose le critique d’art renommé n’est ni un spectacle en bonne et due forme, ni une conférence académique. Hector Obalk invente un dispositif inédit qu’il a déjà rodé depuis plusieurs années à Paris, au Théâtre de l’Atelier essentiellement, au 13e Art également, à l’Olympia carrément. Mais, en cet Avignon 2022, il s’attaque à un pan qu’il avait, jusqu’ici, quasiment passé sous silence : l’art moderne.
Son précédent « one man show », qui se donne pour objectif et défi de traverser l’Histoire de la peinture en moins de deux heures (condensé ici en un format avignonnais d’une heure trente), s’attachait surtout à la peinture classique, celle-ci ayant les faveurs de notre hôte. Il fait désormais un pas de côté et s’attarde du côté de l’impressionnisme, du pointillisme, du fauvisme et de l’expressionnisme, du cubisme à l’abstraction, et sa démonstration est d’une limpidité éclairante. Monet, Van Dongen, Cézanne, Degas, Seurat, Picasso, Mondrian, Dubuffet, Bacon, Eugène Leroy (exposé actuellement au Musée d’Art Moderne à Paris) font le sel de ce parcours chronologique, sensible et érudit, subjectif et primesautier, qui varie au gré de ses envies.
Comme toujours, ce qui émerveille et comble, outre la singularité de la proposition et la verve obalkienne, c’est la qualité des reproductions, la fluidité avec laquelle on navigue de l’une à l’autre, du général au particulier, de l’ensemble au détail, mais aussi le choix des œuvres et les résonances entre elles. Toutes ont été photographiées au cours de sa carrière par Hector Obalk lui-même dans des églises et musées aux quatre coins du monde. Mieux que dans leur écrin originel, où la lumière n’est pas toujours idéale et les conditions pas toujours optimales, on bénéficie ici d’une présence des toiles à nulle autre pareille. Offertes sur un écran géant qui fait converger nos regards, on y goûte avec extase. Et quand Morwenn Augrand, caché en coulisses, aux manettes de la technique, zoome pour éclairer un élément de la toile sur lequel notre orateur s’attarde, on pénètre littéralement la peinture et ses mystères.
Car ce seul en scène passionnant est une affaire de regard et la théâtralité de la proposition réside dans ces jeux de perception qui nous lient, nous, public, Hector et ce panneau magique où se succèdent les tableaux. Souvent de dos, face aux œuvres, Hector fait le lien entre les spectateurs et ce paysage pictural savamment choisi, courroie de transmission, vecteur de savoir et surtout ouvreur de regard. D’arrêts sur image en ellipses assumées, Hector Obalk, en homme-orchestre qui donne le la et le rythme de la représentation, nous dessille l’œil, nous apprend à voir et son spectacle devient une expérience perceptive unique.
Marie Plantin – www.sceneweb.fr
Toute l’histoire de la peinture en moins de deux heures (nouveau parcours)
Texte, mise en scène et jeu Hector ObalkProduction Compagnie Corpus Prod
Durée : 1h20
Festival Off d’Avignon 2022
Théâtre Actuel
du 7 au 30 juillet à 21h35 (relâches les 10, 17 et 24 juillet)Théâtre de l’Atelier, Paris
à partir du 18 septembreAu 13e Art, Paris
à partir du 24 septembre
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