Photo Humberto Araujo
Au fil d’une déambulation dans les rues d’Avignon, puis d’un spectacle en salle, l’Argentin Tiziano Cruz mêle un récit intime et un discours politique sur le sort des Indiens autochtones. Une pièce poignante, qui manque un peu de mise en scène.
Le théâtre de l’Argentin Tiziano Cruz est travaillé par des formes a priori antagonistes : une déambulation et un spectacle en salle ; un discours politique et un récit intime ; une grande fête et une tragédie révoltante ; une représentation folklorique et une performance contemporaine. Pour toutes ces raisons, Soliloquio (me desperté y golpeé mi cabeza contra la pared) s’impose avec son exotisme et sa singularité. Son auteur-performeur nous parle d’un monde que nous connaissons peu, d’un point de vue que nous ignorons. Avec des spectacles qui nous viennent d’aussi loin, les repères se brouillent, et les comparaisons manquent. On apprend, avant d’éprouver. On découvre, avant de critiquer.
Le public se retrouve à l’entrée de la ville d’Avignon, devant la Cité Administrative, quand Tiziano Cruz arrive par une rue adjacente. Il est vêtu d’un slip blanc, arbore une multitude de clochettes et un vêtement piqué de plumes flamboyantes et d’éclatants frous-frous. Il est accompagné par une quinzaine de musiciens et de danseurs. Avant d’être argentin Tiziano Cruz est un Indien autochtone. Et c’est tout un monde qui fait irruption dans la Cité des papes, avec cette musique aux sonorités andines réjouissantes.
Bientôt, elle monte en intensité et recouvre le tintamarre de l’avenue de la République. Comme dans Le Joueur de flûte de Hamelin, le performeur nous emmène sous un arbre, dans un square, prend la parole, et nous raconte son histoire. Celle d’un jeune homme révolté contre les négligences médicales causées par le racisme de la société argentine qui provoquèrent la mort de sa sœur à l’âge de 18 ans, contre le capitalisme qui réduit sa culture à une simple attraction touristique, contre l’expropriation de ses terres et la perpétuation du néocolonialisme. Poignante diatribe, amplifiée dans un mégaphone.
Et c’est reparti, jusque dans le Gymnase du lycée Mistral. Et nous voilà plongés dans une esthétique aux antipodes de la déambulation. On pourrait être dans une galerie d’art contemporain : un plateau nu, un écran en fond de scène, sur lequel sont projetées des photos et des vidéos épurées. Une heure durant, Tiziano Cruz soliloque seul en scène, faisant part de sa douleur, exhibant ses contradictions. Il y a peu de mise en scène dans ce spectacle, mais il y a un texte, très articulé d’un point de vue politique, il y a son corps, qu’il veut nous montrer, et qu’il veut se réapproprier, et il y a les siens, un peuple victime d’un génocide, vis-à-vis duquel il éprouve une immense culpabilité, parce qu’il a préféré fuir la pauvreté, parce qu’il gagne sa vie ailleurs, sur les plateaux de théâtre européens, parce qu’il participe à ce capitalisme qu’il exècre. Cette sincérité est admirable.
On est forcément touché par cette représentation de la douleur. On est charmé par l’intelligence de son propos et la dimension festive de ce spectacle, mais le politique prend forcément le pas sur la poésie. Travaillé par une colère ô combien légitime, ce Soliloquio demeure un peu loin du théâtre à notre goût.
Igor Hansen-Løve — sceneweb.fr
Soliloquio (me desperté y golpeé mi cabeza contra la pared)
Texte et mise en scène Tiziano Cruz
Avec Tiziano Cruz et la participation d’amateurs de l’association Alma Gitana, France Amérique Latine Vaucluse, Contraluz et Gipsy Mariano Los Cortes (musiciens)
Traduction pour le surtitrage Vy-Dan Savelieff (français)
Assistanat à la mise en scène et à la dramaturgie Rodrigo Herrera
Lumière Matías Ramos
Vidéo Matías Gutiérrez
Son et musique Luciano Giambastiani
Costumes Vega Cardozo, Luisa Fernanda, Uriel Cistaro, Luciana Iovane
Relecture de textes originaux Hugo Miranda Campos
Production artistique et design graphique Luciana IovaneProduction exécutive Ulmus Gestión Cultural
Coproduction Festival Internacional de Buenos Aires FIBA 2022, Gobierno de la Ciudad de Buenos Aires
Avec le soutien de Ulmus Gestión Cultural
Avec l’aide du Centro Cultural Rojas de la Universidad Nacional de Buenos AiresDurée : 2 heures
Festival d’Avignon 2024
Gymnase du lycée Mistral
du 5 au 13 juillet (sauf les 8, 9 et 10), à 18hBattersea Arts Center, Londres
du 30 octobre au 2 novembreMoving in November Festival, Helsinki
les 9 et 10 novembreFestival Próximamente, Bruxelles
les 20 et 21 novembre
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