Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier met en scène The little Foxes, une pièce rarement jouée de l’américaine Lilian Hellman, l’histoire d’une famille de capitalistes, des nouveaux riches qui ont besoin de liquidité pour investir dans une nouvelle entreprise et qui sont prêts à tout pour y parvenir. Y compris voler l’un des leurs. Il s’agit là d’une famille sans scrupules, odieuse. La pièce est présentée à la Scène nationale de Sceaux. Rencontre avec le metteur en scène qui passe quelques jours en France avant d’intervenir au Forum de la culture à Chaillot en fin de semaine.
Vous nous faites découvrir une pièce et une auteur peu connue en France
Oui c’est le cas aussi en Allemagne, c’est bizarre car Lillian Hellman est de la même qualité que d’autres auteurs du début du 20ème siècle comme Arthur Miller, Eugene O’Neill ou Tennessee Williams. C’est une pièce bien plus forte que les pièces faibles de Ibsen. Je suis assez surpris que cette pièce ne soit pas autant jouée.
C’est une pièce sur une famille très cynique. Pensez-vous que tous les banquiers soient aussi cyniques ?
Non car il s’agit surtout de l’histoire d’une famille qui se déchire et cela n’a rien à voir avec leur profession. Cela arrive souvent dans les familles ces affaires de conflit au moment des héritages. C’est la guerre et les familles ne se parlent plus juste pour des histoires d’argent. Alors il se trouve que cette famille est capitaliste. Il y a une phrase très importante dans la pièce qui dit : « Si tu veux survivre dans la concurrence du marché il faut grandir, il faut élargir l’entreprise ». C’est l’idéologie du capitalisme d’aujourd’hui qui est l’un des sujets de la pièce.
C’est une famille très glaçante et votre mise en scène à travers des éclairages sont aussi glaçants et mettent bien avant les visages des comédiens qui se découpent avec une lumière blafarde.
C’est vrai, de plus en plus sur mon chemin artistique je m’intéresse aux acteurs et à leur jeu. C’est le seul miracle du théâtre. Les techniques, on peut les voir partout dans le cinéma américain avec les effets spéciaux ou avec l’utilisation de la vidéo sur scène mais cela ne remplace pas le jeu des acteurs. Le moment réel tridimensionnel avec l’acteur dans l’espace, et ce qui se passe dans son corps et dans son visage, c’est le bonheur ! Et pour cela il faut bien éclairer la scène pour que l’on voit le jeu de l’acteur.
Un colloque sur la Culture et l’Europe va se tenir à Chaillot cette semaine, vous en faites parti. Vous voyagez beaucoup en Europe, que diriez vous de cette exception culturelle française ?
Il faut la préserver et qu’elle devienne une exception culturelle européenne ou encore mieux dans le monde. C’est très important que les lois du marché ne mangent pas toutes nos valeurs européennes profondes comme la culture. Tout ce que l’on vit aujourd’hui est la conséquence des politiques de la fin des années 80 avec Thatcher et Reagan qui ont libéré les forces des marchés et l’industrie financière. Avec la politique on peut donner du poids sur ce qui est important dans nos sociétés. Si le profit reste la dernière chose dans nos sociétés, notre monde sera froid et violent. Ce sera inhumain. Cette crise que l’on vit n’est pas une crise financière, c’est une crise politique.
Faites vous une différence entre les politiques culturelles en Europe du Nord et en Europe du Sud ?
Il y a beaucoup d’espagnols, de grecs qui travaillent à Berlin. L’espagnol Alex Rogila va travailler avec la troupe de la Schaubühne, tout comme Rodrigo Garcia l’avait fait auparavant. Antonio Natella habite Berlin. Beaucoup d’artistes ont déménagé pour pouvoir continuer à créer.
Propos recueillis par Stéphane CAPRON – www.sceneweb.fr
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