Derrière chaque quête du bonheur se dessine le chemin fragile de l’humanité Il a fui son pays. Son terrible voyage, il nous le raconte. Lui, il est parvenu jusqu’au bout. Mais ici, la terre promise tant convoitée, le pays bonheur comme ils disent, se révèle sous son vrai jour, celui de la misère morale et matérielle. Il faut faire le ménage dans les hôtels, vivre dans des immeubles délabrés, travailler sur les durs chantiers. Il faut envoyer de l’argent au pays, coûte que coûte, même si la famille vous oublie peu à peu. Il était de là bas, il est venu ici, et cet ici il ne pourra plus jamais le quitter.
« Le Bonheur est l’ultime roman d’Emmanuel Darley. Est-ce d’ailleurs un roman ? Emmanuel a toujours affirmé que ses textes se situaient à la marge des genres littéraires. Aucun personnage défini, de géographie déterminée, de trajectoire de vie complètes, que des vies morcelées, en pièces, laissant une liberté et un immense espace de création. Etre étranger, c’est vivre en terre étrangère, c’est aussi vivre en langue étrangère. C’est baragouiner une langue. Mais c’est aussi enrichir une langue. Dans les pays occidentaux, on croit que les étrangers émigrent dans la joie, que pour eux, venir ici est une solution de facilité. Je voudrais monter à quel point émigrer en Occident, c’est une perte. Une douleur. Un renoncement. Et une mort. Mais Pays Bonheur explore une question bien plus centrale : la recherche du bonheur. Universelle, cette aspiration traverse les cultures et les générations. Elle se situe pourtant dans une tension permanente entre désir, illusion et réalité. Cette quête trouve un écho dans l’expérience de ces migrants. Animés par l’espérance d’un avenir meilleur, ils quittent leur terre d’origine pour rejoindre un « ailleurs » perçu comme plus juste et plus sûr. Mais cet horizon se confronte souvent aux obstacles politiques, économiques et sociaux, révélant l’écart entre le rêve d’un « pays bonheur » et la dureté du réel. En rapprochant l’intime et le politique, Pays Bonheur interroge notre rapport au bonheur et à l’accueil de l’autre. Le spectacle invite à réfléchir à ce qui fonde une société plus humaine et à la manière dont nous partageons collectivement l’espérance d’un avenir meilleur. Car derrière chaque quête du bonheur se dessine le chemin fragile de l’humanité Les récits de ces hommes et de ces femmes du roman d’Emmanuel seront portés par un seul personnage tel l’image d’une conscience intime et collective. Il représentera tous ceux qui suivent les chemins vers « le pays bonheur », ceux qui un jour vont quitter leur pays. Eux qui aujourd’hui sont dans nos journaux, sur nos écrans, « les migrants, les réfugiés », les clandestins et les naufragés, les voyageurs de la pauvreté ou de l’exil, eux qui ont juste eu l’espoir d’un jour meilleur. J’ai souhaité laisser la place aux mots en respectant l’écriture faite de ruptures, de blancs et de blocs qui illustrent si bien ces vies fragmentées. Quelques éléments scéniques seront présents sur la scène, des fragments de ce là bas, de ce pays que l’on quitte. Fragments de souvenir qui disparaissent, peu à peu, au fur à mesure que l’on s’éloigne et que l’histoire se raconte. Des fragments qui s’assemblent mais aussi entravent la marche Le décor se construit, difficilement, telle la vie du migrant, jusqu’à l’enfermement, le point de non retour. Le « Ici » dont on ne pourra plus repartir. »
Note d’intention de Thierry de Pina
Le Bonheur
D’après Emmanuel Darley
Jeu & Adaptation de Thierry de Pina
Production Ah le Zèbre !du 8 janvier au 2 avril 2025
Guichet Montparnasse, Paris
les jeudis à 19h


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