L’artiste espagnole Rocio Berenguer créée de toute pièce un trio drôlement chevelu, « les mauvaises herbes », prônant un retour au végétal, dansant sur une musique électro tonitruante.
C’est un projet à la lisière du théâtre, de la danse, du concert musical, et de la performance. Et ce n’est rien de tout cela en même temps. C’est quelque chose d’étrange et de drôle, quelque chose d’entêtant et d’un peu ridicule… De moderne, aussi, sûrement… Et de jeune. Plus jeune que nous en tout cas. Quant à savoir si nous avons aimé ou pas… Face à une performance pareille, la question du jugement n’a pas vraiment de sens. Il s’agit moins d’un objet esthétique que d’une expérience. D’un trip. Dont l’effet (déroutant) est comparable à celui d’un joint (très fort). Une chose est sûre, cette chose étrange qui s’appelle The Bad Weeds nous a surpris, bousculés, et marqués. Cette chose étrange qui s’appelle The Bad Weeds a donc réussi son coup.
Sur scène, ils sont trois. Enfin, ils… Iels ? Même l’écriture inclusive n’a aucune prise sur ces trois choses qui se trémoussent pendant 1 h 20 au plateau : une forme à mi-chemin entre l’humain et le végétal. Ce sont trois êtres recouverts d’un long lichen filamenteux, lequel dissimule tout (on trouve de pareils costumes dans certaines pièces des Chiens de Navarre). Sur un plateau quasiment nu, leur performance prend la forme d’un concert ; une douzaine de titres originaux (joués en playback), quelque part entre de l’afrobeat, et de la drum and bass, illustré par une chorégraphie pêchue et remarquablement exécutée, entrecoupés par des considérations la vie, l’écologie, l’ego… Des considérations un peu « fin de soirée », assez drôles, et délirantes, sans même avoir ingéré de sacrées substances.
The Bad Weeds clament haut et fort que l’avenir sera végétal, ou ne sera rien. The Bad Weeds déploie un discours conceptuel sur les mauvaises herbes (leur marginalité, leur vitalité, leur résilience), citant le philosophe Gilles Deleuze et le savant paysagiste-botaniste Gilles Clément. Derrière ce groupe hybride se cache l’artiste (autrice, metteure en scène, chorégraphe) espagnole Rocio Berenguer, installée en France depuis 2012, passionnée par la place de la technologie, l’intelligence artificielle, le rôle du vivant… Une artiste à suivre, pour la singularité de son propos et ses créations ovniesques. La sortie d’un album est prévue cette année. Mais déjà les refrains de leurs titres tournent en boucle dans nos têtes (« the bad weeds / the bad weeds… »)
Igor Hansen-Løve – www.sceneweb.fr
The Bad Weeds
Écriture, mise en scène, chorégraphie Rocio Berenguer
Interprètes Haini Wang, Amandine Balet, Marcus Dossavi Gourdot
Interprètes impliqués dans la création Julien Moreau, Rina Murakami
Composition musicale Baptiste Malgoire, KillaSon, Rocio Berenguer
Regard extérieur et dramaturgie Marja Christians
Créateur lumière Thomas Laigle
Création vidéo Nayan Ducruet, avec la complicité des élèves de l’école élémentaire du Condorcet, Poitiers.
Régie son, Emil Baghino
Costume Aline Pérot alias Femme d’intérieur
Chargée de production Lucie Palazot Production – PULSO
Coproducteurs et partenaires
Théâtre de la ville, Paris. Theatros del canal, Madrid. Mille plateaux, CCN de la Rochelle. Le Lieu multiple / Maison des étudiants / La Fanzinothèque / Le Confort moderne, Poitiers. La Grange centre / Art et science / Unil Lausanne, Lausanne. AADN, Lyon
Durée : 1 h 20
Maison des étudiants, Poitiers
le 22 mars 2023Teatros del canal, Madrid
les 12 et 13 avrilThéâtre de la ville (Espace Cardin), Paris
du 4 au 6 mai
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