Le Théâtre de la Bastille et le Festival d’Automne accueillent la pièce The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes jouée par des comédiens en situation de handicap qui interrogent, non sans humour, leur condition et notre perception.
Présentée en première française lors du festival du TNB, la pièce créée en 2019 est caractéristique du travail de longue date réalisé par le Back to Back Theatre. Peu présente sur les plateaux français mais internationalement reconnue et récemment couronnée par le prix Ibsen pour l’ensemble de son œuvre, cette compagnie australienne travaille sur une pratique égalitaire de l’art dramatique qui inclut des comédiens et comédiennes en situation de handicap. Tout en affichant leurs particularismes sur scène, à savoir leur déficiences physiques et mentales, ceux-ci débattent de l’utilisation du terme auquel ils préfèrent celui de « neurodivergence ».
Mise en scène par Bruce Gladwin qui est aussi le quatrième directeur artistique de la compagnie, la pièce réunit deux hommes et une femme, Simon Laherty, Sarah Mainwaring et Scott Price. Fidèle à une méthode de travail collaborative, les interprètes jouent leur propre rôle, s’appellent par leur vrai prénom, et ont écrit eux-mêmes les partitions qu’ils portent au plateau à partir de leur vécu personnel réactivé lors de séances d’improvisations. Y abondent beaucoup de réflexions, parfois naïves mais aussi profondes, d’angoisses et d’inquiétude sur l’état du monde et son évolution avec notamment l’irruption de l’intelligence artificielle. Même avec ses moments de latences, c’est un discours plein de justesse, de dignité et de générosité qu’ils délivrent. Ils parlent d’eux autant qu’ils parlent de nous. Ils parlent de nos regards sur eux. Ils questionnent et relativisent la notion de normalité. Ils tapent juste lorsqu’ils dénoncent l’inhumanité avec laquelle ils sont parfois traités.
La pièce est inspirée de la lecture d’un article paru dans le New York Times rendant compte d’un fait divers horrible qui s’est déroulé au fin fond de l’Iowa, aux États-Unis. Des directeurs d’usine avaient embauché trente-deux individus handicapés mentaux et les avaient réduits à la misère et l’esclavage pendant des dizaines d’années. Ailleurs, en Irlande, d’autres handicapés avaient été séquestrés, exploités et violentés dans un hospice religieux.
La marginalité sociale est au cœur du propos. Elle se donne à voir sans pathos mais sans détour, et même de manière radicalement frontale, sur un plateau nu où une simple rangée de chaises bien alignées à la rampe se présente comme le seul élément de décor auquel s’ajoute une massive tribune blanche dressée non sans mal. La forme est brute, économe, anti spectaculaire. La pièce peut prendre l’aspect d’une réunion publique, d’une conférence ou d’un meeting politique ou militant, basculant parfois dans l’absurde ou la dérision. Elle ne repose que sur les présences singulières des trois comédiens dont la démarche et l’élocution peuvent paraître difficiles au point de se trouver heurtées. Malgré leurs maladresses involontaires, ils attirent toute l’attention.
Un peu perdue sur le trop vaste plateau rennais, la performance devrait gagner en efficacité et être davantage mise en valeur dans l’espace plus intimiste aux dimensions plus resserrées du Théâtre de la Bastille où elle est désormais présentée. L’empathie et l’émotion déjà ressenties devrait alors s’amplifier dans une plus grande proximité avec les interprètes, d’autant que ceux-ci ne cessent de toiser et d’apostropher le public. Par le rire, ils déjouent bien des embarras et des a priori pour parler d’humain à humain, et donner un point de vue différent et valable sur la société.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes
Conception, Back to Back Theatre
Auteurs et autrices, Michael Chan, Mark Deans, Bruce Gladwin, Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price, Sonia Teuben
Mise en scène, Bruce Gladwin
Interprètes, Simon Laherty, Sarah Mainwaring, Scott Price Composition, Luke Howard Trio – Daniel Farrugia, Luke Howard, Jonathon Zion
Son, Lachlan Carrick
Lumière, Andrew Livingston, bluebottle
Vidéo, Rhian Hinkley, lowercase
Costumes, Shio Otani
Voix off de l’IA, Belinda McClory
Consultante en scénario, Melissa Reeves
Développement créatif, Michael Chan, Mark Cuthbertson, Mark Deans, Rhian Hinkley, Bruce Gladwin, Simon Laherty, Pippin Latham, Andrew Livingston, Sarah Mainwaring, Victoria Marshall, Scott Price, Brian Tilley, Sonia Teuben
Directrice de tournée, Tamara Searle
Régisseur, Alana Hoggart
Ingénieur du son, Eugene McKinnon
Responsable de la compagnie, Erin Watson
Directeur de production, Bao Ngouansavanh
Productrice principale, Tanya Bennett
Producteur exécutif, Tim StitzCommande de Carriageworks ; Theater der Welt 2020 ; The Keir Foundation ; The Thyne Reid Foundation ; The Anthony Costa Foundation
Avec le soutien de Creative Partnerships Australia through Plus 1
Aide à la création Geelong Arts Centre ; Arts Centre Melbourne ; Melbourne International Arts Festival ; The Une Parkinson Foundation ; The Public Theater ; ArtsEmerson
The Shadow Whose Prey the Hunter Becomes a été en partie créé en 2019 au Sundance Theatre Lab, MASS MoCA
Back to Back Theatre est soutenu par le gouvernement australien par l’intermédiaire de Creative Australia, son principal organisme d’investissement et de conseil dans le domaine des arts ; Creative Victoria ; City of Greater Geelong
Avec l’aide de The Department of Education & Training Victoria ; The Strategic Partnerships ProgramLe Théâtre de la Bastille et le Festival d’Automne à Paris présentent ce spectacle en coréalisation.
Avec le soutien de King’s Fountain et du Fonds Handicap & Société par Intégrance
Avec le soutien de l’Onda office national de diffusion artistiqueDurée 1h
Festival TNB Rennes
du 15 au 18 novembre 2023Festival d’Automne à Paris
Théâtre de la Bastille
13 au 17 Décembre 2023
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