Avec Tatiana, one-man-show et cabaret tragi-comique déluré, Julien Andujar se laisse traverser par une multitude de fantômes pour raconter la disparition de sa sœur en 1995. Un spectacle qui bouleverse et témoigne d’une époque.
À l’entrée de la salle TU de Nantes, Julien Andujar apparaît en robe stylisée et perruque asymétrique rouge. Grand sourire et accent espagnol exagéré, il accueille le public, un plateau de tortillas à la main. Faiseur de spectacles depuis ses 15 ans, chorégraphe et comédien, Julien Andujar raconte dans Tatiana la disparition de sa sœur à la gare de Perpignan en 1995, à travers un one-man show déluré et poignant, où il est habité par une myriade de personnages. Un cabaret virtuose et foisonnant, qui nous garde presque jusqu’au bout sur un fil, entre rire, malaise et larmes, qui raconte la relation à une sœur perdue en lui rendant hommage.
Sur le plateau, Julien Andujar incarne une galerie de personnages composée avec subtilité. Il y a Valentina, fait à 50% de Rossy de Palma ou Victoria Abril chez Pedro Almodóvar, 25 % de Catherine O’Hara dans Beetlejuice de Tim Burton et 25% de l’attachée de presse d’Elie Kakou – un comique qu’il imite à la perfection. Elle déambule, assistante fictive névrosée. Elsa, la meilleure copine à l’accent du sud, ses figures de gymnastique, qui raconte sur fond de Spice Girls les potins du bahut et les galères de bus quand on vit dans un petit village du sud de la France. Mais, derrière ces figures féminines truculentes, sorties tout droit des années 1990, il y a toujours Tatiana. Une présence fantomatique figurée aussi par la musique menaçante orchestrée par Alex Andujar ou par un grand rideau fermé qui occupe le centre de la scène.
Un mois avant ses 18 ans, la jeune femme disparaissait, rejoignant le fait divers des « disparues de la gare de Perpignan ». Pour Julien Andujar, âgé de 11 ans au moment de cette disparition, Tatiana reste « une énigme », qu’il a tenté de reconstituer en la fantasmant, en imaginant la femme qu’elle aurait pu devenir en se raccrochant à tous ces modèles. Au fil des vannes qui donnent à la pièce des atours de spectacle à sketches – on y croise aussi un présentateur télé perplexe, un homme-grenouille étrange et un chanteur raté de comédie musicale –, il nous révèle avec honnêteté, malgré la multitude de masques portés, le poids de l’incertitude et de la perte, mais aussi la perplexité de voir sa tragédie familiale exposée dans les médias. On décèle chez cet homme-orchestre qui semble tirer toutes les ficelles de cette pièce, la nécessité de faire entrer ce drame familial au théâtre, son espace refuge. Le corps de Julien Andujar est traversé par tous ces fantômes, tout comme celui des années 1990 dont on goûte la douce nostalgie. Témoignage d’une sœur perdue et d’une époque, Tatiana bouleverse.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
Tatiana
Auteur et interprète Julien Andujar
Dramaturges Audrey Bodiguel, Yuval Rozman
Scénographe et costumière Rachel Garcia
Musicien, compositeur et régisseur son Alex Andujar
Créatrice et régisseuse lumière Juliette Gutin
Professeur de chant Mélanie MoussayProduction VLAM Productions
Coproductions Le Manège, scène nationale-Reims, Charleroi danse, centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Centre Chorégraphique National de Nantes – Direction Ambra Senatore, KLAP Maison pour la danse (Marseille), Musique et Danse en Loire-Atlantique, Le Nouveau Studio Théâtre (Nantes), L’Arsénic (Gindou), Bain public (Saint-Nazaire)
Avec l’aide de la Ville de Nantes et du Conseil Départemental de Loire-Atlantique, du plan national France relance et de l’aide à la création et la DRAC des Pays de la Loire
Soutiens Danse dense (Pantin), Le Théâtre de Vanves, La Place de la Danse – CDCN Toulouse OccitanieDurée : 1h45
Vu en janvier 2023 au TU-Nantes dans le cadre du festival Trajectoires
Théâtre du Rond-Point Paris
du 3 au 19 octobre 2024L’Usine à Gaz, Nyon (Suisse), dans le cadre du Festival Antigel
les 13 et 14 février 2025
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