Le chorégraphe Dimitri Chamblas et la musicienne Kim Gordon dévoilent une pièce à l’aura punk, où les mouvements virtuoses et dynamiques s’éparpillent, sans vraiment nous toucher. Un témoignage de la mélancolie actuelle ?
Un gros ballon ressemblant à un Zeppelin plane au-dessus du plateau de l’Agora à Montpellier. Les performeur·se·s demandent à plusieurs personnes du public de monter sur scène, en chuchotant à leur oreille. Nous faisons partie de ce petit groupe. Sous cette sculpture gonflable, allongé, on sent le sol trembler. Les riffs de guitare tonnent. Les danseur·euse·s déboulent sur la scène, d’abord lents, puis plus dynamiques. L’un d’eux saute au-dessus de nous, chute en roulade. Du ballet à la danse filmée, Dimitri Chamblas, formé à l’École de l’Opéra de Paris, a collaboré autant avec Mathilde Monnier, Benjamin Millepied et son L.A. Dance Project qu’avec Jean-Paul Gaultier et Andy Goldsworthy. Entre Paris et Los Angeles, il distille une patte rock, toujours fort de collaborations pluridisciplinaires. Cette fois-ci, c’est Kim Gordon, musicienne et membre emblématique du groupe Sonic Youth, qui participe au projet. Virtuosité technique et guitares électriques sont au rendez-vous.
Une fois que les spectateur·ice·s invité·e·s ont quitté la scène, les interprètes poursuivent leur danse, désarticulée et vive, parfois au ralenti. Leurs mouvements semblent animés par une force puissante, une urgence. À travers ces éruptions de gestes soudains, un vocabulaire académique se révèle. Chez Marion Barbeau notamment, qui saute, souple et irradiante. La voix Kim Gordon se révèle, râpeuse comme du granit, alors que les interprètes exécutent des gestes asymétriques, tantôt toniques (un bras jeté sur le côté, un grand battement), tantôt gracieux (une main qui tombe lascivement). Debout sur des amplis alignés, ils et elles font sonner les riffs de guitare électrique.
Difficile de saisir la cohérence de ce ballet en jogging et baskets, visiblement contestataire. Faut-il voir dans ce groupe aussi soudé que désordonné « les laissés-pour-compte de la société, les marginaux, les gens perdus et sans domicile fixe » mentionnés dans la feuille de salle ? Ce groupe de danseur·euse·s issu·e·s de la danse contemporaine, jeunes, valides et dans les canons de beauté, apparait plutôt comme une tentative de cosplay de la marginalité, devenue lisse et glamourisée. Peut-être cette pièce n’est pas tant néo-punk par son vocabulaire chorégraphique ou sa musique, mais plutôt dans son atmosphère latente, où la vivacité des corps tente de percer une atmosphère lourde ? Elle laisse planer une mélancolie, peut-être une attente de la révolte ou de la fin du monde qui n’arrive jamais.
Belinda Mathieu – www.sceneweb.fr
takemehome
Chorégraphie Dimitri Chamblas
Musique Kim Gordon
Avec Marion Barbeau, Marissa Brown, Eli Cohen, Bryana Fritz, Eva Galmel, François Malbranque, Jobel Medina, Salia Sanou, Kensaku Shinohara
Régie générale Jack McWeeny
Lumière Yves Godin en collaboration avec Virginie Mira pour la conception du dispositif
Régie lumière Iannis Japiot
Régie son Manuel Dedonder
Costumes Dimitri Chamblas, Andrealisse LopezProduction Studio Dimitri Chamblas
Coproduction Festival Montpellier Danse 2024 ; Charleroi danse – Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; Villa Albertine ; Liquid Music Minneapolis ; The Sharon Disney Lund School of Dance California Institute of the Arts
Avec le soutien de Dance Reflections by Van Cleef & ArpelsLe Studio Dimitri Chamblas est soutenu le ministère de la Culture – Direction Générale de la Création Artistique et la Direction régionale des affaires culturelles Occitanie.
Durée : 1h05
Vu en juin 2024 à Montpellier Danse, Théâtre de l’Agora
Chaillot – Théâtre national de la danse, Paris
du 18 au 21 septembreLe Lux, Valence
le 24 septembreMaison de la danse, Lyon
les 27 et 28 septembreLe Quai, CDN Angers Pays de la Loire
le 28 mars 2025
Dimitri Chamblas n’a pas été formé à l’Ecole de Danse de l’Opera de Paris. Peut-être a-t-il fait le stage mais il n’a jamais été élève de cette prestigieuse école.
Rien que la photo qui illustre l’article montre la beauté de cette oeuvre… (non)