Avec Tout le monde savait, mis en scène par Anne Bouvier, l’actrice revient avec justesse sur le terrible destin de Valérie Bacot, condamnée pour avoir assassiné son mari, après 20 ans de violence et d’emprise.
L’autrice Elodie Wallace s’est inspirée de l’autobiographie de Valérie Bacot, Tout le monde savait, publié en 2021 aux éditions Fayard pour retracer sur scène l’histoire d’un “naufrage annoncé”. Valérie Bacot subit l’inceste depuis l’âge de 6 ans. De la part de son frère aîné d’abord, puis de son beau-père, Daniel Polette, “l’autre” comme il est nommé tout au long de la pièce. Même quand celui-ci est condamné à 3 ans de réclusion criminelle pour agression sexuelle sur mineure, la mère alcoolique et violente ne bronche pas. « Tant que ça reste dans la famille, on ne va pas en faire tout un plat ». Valérie sera chassée à 17 ans du domicile familial quand elle tombera enceinte de son violeur. “L’autre” exige alors qu’ils emménagent ensemble. Ils se marieront une dizaine d’année plus tard et auront quatre enfants. Valérie Bacot va alors subir une vie conjugale composée de coups, d’humiliations, de privations. “L’autre” va jusqu’à la prostituer de force pendant de nombreuses années.
Valérie Bacot va tenter de porter plainte à deux reprises. Les gendarmes n’écoutent pas. « Vos histoires de famille, ça ne nous regarde pas ». C’est quand “l’autre” menace de prostituer également la fille de Valérie alors âgée de 14 ans « qu’un barrage cède ». Valérie Bacot assassinera son mari le 13 mars 2016 dans la forêt de La Clayette d’une balle dans la nuque. Elle sera jugée pour homicide volontaire et condamnée le 25 juin 2021 à quatre ans de prison, dont trois avec sursis.
Sur scène, c’est un rideau de métal lourd qui s’ouvre sur un intérieur de maison composée de panneaux d’ardoise, imaginé par Jean-Michel Adam. Une balançoire pour enfant suspendue par d’épaisses chaînes, une cuisine sommaire. Sur ces ardoises vont venir s’inscrire à la craie un à un le nom de chaque personne que Valérie Bacot a croisé dans sa vie : ses enseignants, le juge pour enfant qui la place sous la tutelle de son agresseur, ses grands-parents, le village, les connaissances, ses belles-sœurs, la mairie qui l’emploi pour faire des ménages… tout ceux qui savaient, et qui n’ont rien dit. Au milieu de cette forêt de complices Valérie Bacot est définitivement seule. Plus qu’une biographie, Tout le monde savait décortique ainsi les mécanismes du silence et de l’emprise.
Sylvie Testud incarne tour à tour Valérie Bacot et son avocate, qui prendra sa défense lors du procès. Elle qui, au théâtre et au cinéma a régulièrement interprété des femmes marquantes – Françoise Sagan, Louise Michel, Christine Papin – endosse avec justesse chacune des souffrances de Valérie Bacot : celle de l’enfant violentée, de la jeune mère qui découvre la grossesse, de la femme battue qui tente par tous les moyens de sauver ses enfants, celle de la meurtrière, enfin. Porter ainsi seule sur scène un récit aussi lourd et brûlant requiert un certain courage. Et c’est sans faillir que Sylvie Testud s’attèle à la tâche. Lorsque le noir tombe sur la scène du Théâtre de l’Œuvre, le public reprend enfin son souffle, les ventres noués, les sourcils froncés et les silences circonspects : l’histoire de Valérie Bacot ne laisse personne indifférent
Fanny Imbert – www.sceneweb.fr
Tout le monde savait
Une pièce d’Élodie Wallace
D’après l’oeuvre de Valérie Bacot avec Clémence de Blasi aux éditions Fayard
Avec la participation de Nathalie Tomasini et Janine Bonaggiunta
Mise en scène : Anne Bouvier
Collaboration artisiste : Anne Poirier-Busson
Scénographie : Jean-Michel Adam
Lumière : Denis Koransky
Musique : Sylvain Jacques
Stylisme : Julia AllègreDurée : 1h20
Au théâtre de l’Œuvre
55 rue de Clichy, Paris
Du 4 octobre au 30 décembre
Du mardi au samedi à 21h
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