Dans Summerless donné à la Chartreuse de Villeneuve Lez Avignon, l’auteur et metteur en scène Amir Reza Koohestani s’immisce dans l’apparente banalité du quotidien pour rendre compte en filigrane de l’état du monde iranien, tout en retenue et en statisme.
La pièce se joue à huis-clos dans l’enceinte d’une cour d’école primaire, métaphore édifiante d’une société policée et étriquée. Un tourniquet bleu occupe la place. Il tourne comme un manège fatigué tandis que défilent les mois, les saisons, les averses, les flocons dans un mouvement lent et étale. Summerless clôt une trilogie entamée en 2013 avec Timeloss puis Hearing, des pièces qui ont beaucoup tourné dans le monde. Elles interrogent le temps qui passe et la mémoire immobile, ce qui s’efface, se calfeutre, réapparaît, de manière douteuse, douloureuse. La narration essentialiste de la pièce s’accompagne d’un geste scénique anti-démonstratif aussi bien dans la mise en espace que dans le jeu. Au risque d’une certaine monotonie et d’une émotion modérée malgré la qualité des comédiens fort justes. La vie est là, allusive, rendue sur le plateau avec l’économie totale de moyens qui fait la spécificité du Mehr Theatre Group, le collectif de Koohestani.
Une directrice d’école, un artiste peintre et une mère d’élève sont les trois êtres qui se rencontrent plus ou moins fortuitement. La place qu’ils occupent, comme les liens qu’ils entretiennent, semblent d’abord opaques puis se révèlent progressivement. Au rythme de longues conversations qui virent parfois à l’affrontement feutré, ils donnent leurs vérités entre des non-dits assumés. Jamais emporté, le discours se fait pourtant menaçant, incriminant, condamnant. Koohestani nous renseigne sur les modalités néfastes qui font qu’un peuple se voit manifestement privé de liberté et d’histoire. L’acte de repeindre en blanc le mur couvert d’une inscription pré-révolutionnaire propre à faire basculer le régime en dit long sur la capacité d’un pays à occulter le passé et l’élan du changement en usant de la censure sous couvert d’une nécessaire rénovation. La pièce dit le basculement dramatique dans le chaos du présent : l’injuste augmentation des frais individuels, le sexisme et la stigmatisation, la dénonciation… Certains aspects de la réalité dépeinte ne sont pas spécifiquement iraniens et apparaissent lourds de sens et de conséquences pour chacun de nous.
Christophe Candoni – www.sceneweb.fr
Summerless
Avec Mona Ahmadi, Saeid Changizian et Leyli Rashidi
Et à l’image Juliette Rezai
Texte et mise en scène Amir Reza Koohestani
Scénographie Shahryar Hatami
Vidéo Davoud Sadri et Ali Shirkhodaei
Lumière Xavier Lauwers
Son Ankido Darash
Costumes Shima Mirhamidi
Assistanat à la mise en scène Mohammad Reza Hosseinzadeh, Mohammad KhaksariProduction Mehr Theatre Group
Coproduction Kunstenfestivaldesarts, Festival d’Avignon, Festival delle Colline Torinesi / Fondazione TPE, La Bâtie Festival de Genève, Künstlerhaus Mousonturm Frankfurt am Main, Théâtre national de Bretagne, Münchner Kammerspiele, La Filature Scène nationale de Mulhouse, Théâtre populaire romand
Avec le soutien de l’Onda et pour la 72e édition du Festival d’Avignon : Adami
Co-accueil Festival d’Avignon, La Chartreuse-CNES de Villeneuve lez Avignon
En partenariat avec France Médias Monde
Durée : 1h1022 – 24 January 2020
Théâtre La Vignette
Montpellier28 January – 1 February 2020
Théâtre des Célestins
LyonDu 1 au 6 February 2020
Le Carreau
Forbach
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