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Les vents porteurs d’Iphigénie

Coup de coeur, Les critiques, Paris, Théâtre
Simon Gosselin

Photo Simon Gosselin

Au Théâtre de l’Odéon, Stéphane Braunschweig sublime la pièce de Racine. Grâce à une mise sous tension parée d’élégance et à une belle distribution féminine, il réussit à capter l’intensité des vers raciniens, à la transformer en feu sacré, capable de renverser la table de jeu imposée par les Dieux.

En fond de scène, la mer est calme, très calme, trop calme aux yeux des Grecs qui désespèrent de voir le vent se lever pour, enfin, pouvoir fondre sur Troie. Comme le dit magnifiquement Stéphane Braunschweig, « Iphigénie, c’est un monde à l’arrêt ». Un monde où les hommes soumis aux Dieux sont piégés, pris dans une nasse dont eux seuls peuvent se libérer. Car le devin Calchas a prévenu : pour que la flotte grecque puisse prendre la mer et offrir à son chef de file, Agamemnon, l’auréole de gloire qui lui est promise, les humains devront consentir au sacrifice de l’une des leurs, Iphigénie, cette princesse devenue martyre.

Dans la salle des Ateliers Berthier, entièrement réagencée pour les besoins du dispositif sanitaire, un paradoxe scénographique saute d’emblée aux yeux. Alors que la scène, réduite en un podium central disposé au cœur d’un dispositif en bi-frontal, n’a jamais été aussi ouverte, avec la mer et l’horizon en sublime toile de fond, sa forme longiligne la transforme en chaudron piégeux, où les personnages paraissent immédiatement à l’étroit, comme des prisonniers contraints à en découdre. Parés de blanc et de noir, telles les pièces d’un immense jeu d’échecs, les voilà doublement pris en étau. Par le public, bien sûr, mais aussi par un dilemme, celui qui oppose la quête de grandeur et l’amour filial, le pouvoir politique et la passion intime. Les deux mamelles qui font toute la splendeur, et le drame, du théâtre racinien.

Loin de plaquer sur le texte de Racine des idées de personnages pré-conçues, Stéphane Braunschweig se laisse porter par la précision extrême des vers et la dramaturgie au cordeau. Il dirige sa troupe de fidèles comédiens tels des professionnels de la glisse théâtrale, occupés à prendre la vague des alexandrins et à amplifier le mouvement de marée montante par lequel, naturellement, la pièce est portée. D’abord très sage, presque murmurée, la langue, placée au centre de tout, prend peu à peu son envol et gagne en puissance. Comme si, à mesure que le bûcher promis à Iphigénie était édifié, les comédiens voyaient naître en eux un feu sacré, capable d’alimenter leur fureur et de renverser la table de jeu imposée par les Dieux.

Grâce à une mise sous tension aussi constante qu’élégante, mais jamais précieuse, Stéphane Braunschweig sublime la face humaine, trop humaine, de cette Iphigénie racinienne, où les tourments intimes et la puissance de l’amour, filial et conjugal, apparaissent plus directement que dans ses versions antiques. Doublée, là encore, pour des raisons sanitaires, la distribution, notamment féminine, se révèle impeccable, malgré un dispositif de sonorisation à la maîtrise encore hasardeuse. En Eriphile vengeresse, prétendante secrète et blessée d’Achille, Chloé Réjon donne, lors de son apparition, le coup d’envoi et l’élan nécessaire à la pièce, quand Suzanne Aubert et Anne Cantineau campent des Iphigénie et Clytemnestre en femmes fortes et courageuses, bien davantage que la bande d’hommes en proie au doute qui leur font face. Preuve, s’il en fallait une, que la gent féminine a, comme souvent, les clés du piège dans laquelle l’humanité est enfermée, la force suffisante pour inverser, avec l’aide du malicieux Racine, le cours de l’Histoire.

Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr

Iphigénie
de Jean Racine
Mise en scène et scénographie Stéphane Braunschweig
Avec, en alternance, Sharif Andoura, Jean-Baptiste Anoumon, Suzanne Aubert, Astrid Bayiha, Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Claude Duparfait, Glenn Marausse, Thierry Paret, Pierric Plathier, Lamya Regragui Muzio, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal, Clémentine Vignais, Thibault Vinçon
Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
Costumes Thibault Vancraenenbroeck
Lumière Marion Hewlett
Son Xavier Jacquot
Vidéo Maïa Fastinger
Assistante à la mise en scène Clémentine Vignais

Production Odéon-Théâtre de l’Europe

Durée : 2h15

Odéon-Théâtre de l’Europe, Ateliers Berthier, Paris
du 23 septembre au 14 novembre 2020
du mardi au samedi à 17h30, le dimanche à 15h

24 septembre 2020/par Vincent Bouquet
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