Au long de l’Ode maritime de Fernando Pessoa, le comédien navigue dans les flux et les reflux de l’imaginaire du poète portugais. Une performance où l’intensité le dispute à la finesse.
Derrière les plus de mille vers que compte Ode maritime, se cache un mystérieux Álvaro de Campos. Ingénieur naval de son état, l’homme n’est, en réalité, qu’un des nombreux hétéronymes de Fernando Pessoa, son double poétique, celui qu’il utilise pour échapper à sa condition de sédentaire, étriqué dans son quotidien lisboète. Pour l’écrivain portugais, l’ode est un exode spirituel, un immense vagabondage de l’esprit. Son amour de la mer, porte d’entrée vers tous les possibles, y éclate dans toute sa fureur, tel un raz-de-marée de désir devenu incontrôlable.
Depuis le quai désert où il attend quelqu’un qui ne viendra pas, l’homme vogue sur les flots de son imaginaire, agités par les marins des vieux navires et par ces pirates sanguinaires dont il aimerait être, à la fois, le comparse et la victime. « Crucifiez-moi dans les navigations / Et mes flancs jouiront de ma croix / Ligotez-moi aux voyages comme à des piloris / Et la sensation des piloris me pénétrera l’échine / Et je me mettrai à les sentir en un vaste spasme passif », explose-t-il dans un élan sadomasochiste, avant d’entamer une lente décrue vers les terres de son enfance.
De ces flux et ces reflux dans la pensée de Pessoa, Stanislas Roquette s’empare avec une grande finesse. Au milieu de l’ancienne chapelle qui sert de fastueux décorum au Parvis d’Avignon, le comédien débute sa performance comme une simple lecture, puis se laisse progressivement envahir, comme happé, par les mots du poète. Intense lorsque survient une bouffée quasi délirante, il sait se faire plus doux quand les vers se réamarrent au réel. Sans jamais se laisser submerger, porté par les lumières aussi discrètes que délicates de Geneviève Soubirou et Yvan Labasse, il joue avec l’intensité de son regard pour se projeter vers d’autres rivages et faire advenir les paquebots et les flots, dans ce qu’ils ont de plus évanescents, et de plus fascinants.
Vincent Bouquet – www.sceneweb.fr
ODE MARITIME
de Fernando Pessoa/Álvaro de Campos
Traduction du portugais par Dominique Touati, revue par Parcidio Gonçalves et Claude RégyConception et interprétation: Stanislas Roquette
Mise en scène: Stanislas Roquette et Miquel Oliu Barton
Création son: Jérémy Oury
Création lumière: Geneviève Soubirou et Yvan LabasseUne production Artépo, avec le concours des Nouvelles Hybrides, du ParvisAvignon, des Plateaux Sauvages, de la Maison des Métallos, du Complot, Etat d’Esprit, du Théâtre de l’Opprimé et du Temple des Billettes
Durée 1h
Off Avignon 2018
Parvis d’Avignon 7, 8, 10, 11, 13, 17, 18 et 19 juillet à 17h00
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